Chirurgie du genou, les obstacles au retour au travail
L’arthroplastie du genou, soit le remplacement de son articulation, est une intervention de plus en plus pratiquée. Mais retourner au travail après une telle chirurgie n’est pas toujours facile. Il arrive que le suivi médical habituel ne suffise pas à aider un travailleur opéré à réintégrer son emploi, surtout si celui-ci est physiquement exigeant.
Au Canada, le nombre d’arthroplasties du genou a bondi de 139 % de 2008 à 2009 par rapport à la décennie précédente. Ce sont surtout des travailleurs âgés de 45 à 54 ans qui ont subi cette chirurgie du genou, qui consiste à remplacer la totalité de l’articulation par une prothèse.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène, notamment l’amélioration de la durée de vie des prothèses, qui permet de proposer l’opération à un plus jeune âge. De plus, les travailleurs vieillissants souhaitent continuer à occuper un emploi plus longtemps.
Comment alors favoriser le retour au travail de ces personnes? Une équipe de recherche financée par l’IRSST s’est penchée sur le sujet. Les travaux menés par Marie- France Coutu, chercheuse et professeure à l’Université de Sherbrooke, ont permis de lever le voile sur les facteurs facilitants, mais aussi sur les obstacles au retour au travail après une telle intervention chirurgicale.
L’étude a analysé en profondeur 17 situations de travailleurs occupant un emploi physique et qui ont subi une arthroplastie totale du genou, et qui tentent de retourner au travail. Ils ont été classés en trois groupes :
- retour au travail avec peu ou sans difficulté;
- retour avec difficulté;
- pas de retour en emploi.
Les travailleurs ont été rencontrés de 3 à 12 mois après leur chirurgie. Pour bien comprendre la situation, leurs employeurs et leurs syndicats ont également été rencontrés. Une analyse sommaire de l’activité de travail de ceux qui avaient repris leur emploi a été réalisée. Enfin, leur conseiller en réadaptation a été rencontré.
Les conditions gagnantes d’un retour en emploi réussi
Les travailleurs doivent d’abord percevoir qu’ils peuvent gérer les symptômes résiduels, s’ils en ont. Ensuite, la clé du succès se trouve principalement dans l’environnement de travail.
La chercheuse a remarqué que ceux qui étaient retournés au travail sans éprouver de difficulté avaient la possibilité de mettre en place des stratégies d’adaptation pour réaliser leurs tâches. Par exemple, l’un d’entre eux s’était fabriqué un banc afin de prendre une minute pour s’asseoir. D’autres effectuaient des exercices d’étirement durant leurs pauses. Dans certains cas, ce sont les employeurs qui accommodaient les travailleurs en déléguant certaines de leurs tâches ou, à l’occasion, en privilégiant leur retour progressif.
« On le suspecte depuis longtemps, mais on sait maintenant qu’un retour au travail ne dépend pas seulement de la volonté du travailleur. Il y a des éléments dans l’environnement de travail dont on doit absolument tenir compte », explique la chercheuse.
Elle ajoute que certains travailleurs adaptaient leurs attentes pour les rendre cohérentes avec leurs nouvelles capacités. L’équipe scientifique recommande d’ailleurs que les orthopédistes discutent avec les travailleurs des exigences de leur emploi et de leurs attentes. Finalement, lorsque la reprise s’avère difficile, la réadaptation pourrait les aider à obtenir le soutien requis.
Une réadaptation adaptée
Pour cette étude, la vaste majorité des participants n’était pas indemnisés pour un accident du travail. Bien que plusieurs d’entre eux bénéficiaient d’une assurance privée, la réadaptation à l’emploi et les mesures favorisant le retour au travail sont très peu offertes aux travailleurs ayant subi une arthroplastie du genou qui accomplissent un travail physiquement exigeant, contrairement à ceux qui souffrent d’un trouble musculosquelettique.
« L’arthroplastie effectuée sur des travailleurs qui souhaitent reprendre le travail par la suite est un phénomène relativement récent. Ainsi, le milieu est en train de s’adapter à cette nouvelle réalité », ajoute Marie-France Coutu.
Il est important de spécifier que certains travailleurs n’auront vraisemblablement pas besoin d’un programme de réadaptation au travail, comme l’illustrent les participants du groupe ayant repris leur emploi sans difficulté. Par contre, la vaste majorité des travailleurs souhaitent un retour progressif au travail. Selon la chercheuse, il faut arriver à mieux dépister ceux qui ont des besoins de réadaptation spécifiques pour mieux les aider à reprendre le travail.
Pour en savoir plus
COUTU, Marie-France, Nathaly GAUDREAULT, Marie-Eve MAJOR, Iuliana NASTASIA, Réjean DUMAIS, Annie DESHAIES, Marie-Elise LABRECQUE, Sara PETTIGREW, Pascale MAILLETTE. Obstacles et facilitateurs du retour et du maintien durable en emploi après une arthroplastie totale du genou, R-1064, 103 pages.