Batteries lithium-ion : entre performance et prévention des risques

Par Mélina Nantel

12 novembre 2024

Photo : UKRID/Shutterstock.com

Les batteries lithium-ion sont omniprésentes dans la vie quotidienne. On les retrouve dans nos téléphones intelligents et dans la majorité des véhicules électriques. Elles sont légères, compactes et très performantes, avec une densité énergétique élevée et un faible taux d’autodécharge. Toutefois, leur manutention, leur entreposage, leur transport ou leur tri peuvent présenter des risques d’incendie et d’explosion ainsi que des risques électriques et chimiques, notamment dans les milieux de travail où leur utilisation est extrêmement répandue. Il est donc important de comprendre les risques liés à ces batteries afin de mettre en place les mesures de prévention adéquates. Saliha Menad, Ph. D., chimiste et conseillère experte en prévention-inspection à la CNESST, nous explique comment y arriver.

Conçues il y a plus de 30 ans, les batteries lithium-ion se retrouvent aujourd’hui dans un grand nombre d’appareils. Ce sont de puissants concentrés d’énergie fréquemment utilisés dans l’équipement de travail ou dans les véhicules électriques.

Une batterie lithium-ion, c’est quoi?

Une batterie est composée de multiples cellules reliées entre elles et regroupées avec leur système de contrôle et leur dispositif électronique de protection. Chaque cellule est un système électrochimique unitaire rechargeable, stockant de l’énergie sous forme chimique et la restituant sous forme électrique. Le principe de fonctionnement consiste en un courant électrique qui circule entre une électrode positive (la cathode) et une électrode négative (l’anode), créant ainsi une différence de potentiel entre les deux électrodes. Les ions positifs de lithium (Li+) se déplacent dans un liquide conducteur qui est un électrolyte dissous dans un solvant. Ils vont de l’anode vers la cathode lorsque la batterie se décharge, et font le trajet inverse quand celle-ci se recharge.

Plusieurs technologies de batteries découlent de l’utilisation du lithium, la plus répandue à ce jour étant la technologie lithium-ion (Li-ion). Ces batteries se distinguent par leur haute densité d’énergie. Grâce au lithium, il est possible d’emmagasiner une grande quantité d’énergie dans un espace réduit, ce qui permet une plus grande variété d’utilisation. De plus, ces batteries ont un faible taux d’autodécharge et peuvent donc fournir une grande quantité d’énergie sur une longue période.

Où les retrouve-t-on?

Compactes et légères, les batteries lithium-ion sont fréquemment utilisées, autant dans un contexte industriel et commercial que domestique. On les retrouve notamment dans l’industrie automobile et dans les systèmes de stockage d’énergie (SSE). Elles sont devenues incontournables en électronique mobile (outils, ordinateurs, téléphones portables) et dans les équipements de traction, notamment les vélos, les chariots et les trottinettes. De plus, elles sont utilisées dans les drones puisque leur faible poids et leur haute densité énergétique permettent d’améliorer le temps et la stabilité du vol.

Des risques à ne pas négliger

Les batteries lithium-ion sont puissantes et elles présentent certains risques qu’il ne faut pas négliger. Même quand elles sont conformes aux normes, en bon état et manipulées correctement, elles présentent néanmoins certains risques inhérents à la batterie (risque électrique et de manutention de charges lourdes pour les blocs batteries de véhicules électriques). De plus, lorsqu’elles sont endommagées ou mal utilisées, elles peuvent présenter des risques d’emballement thermique, d’incendie ou d’explosion ainsi que des risques chimiques. La composition chimique, l’état de charge, la densité d’énergie et la gravité des dommages sont tous des facteurs qui influencent le niveau de risque pour les milieux de travail.

Cela étant dit, l’explosion de la batterie due à son emballement thermique représente l’un des risques les plus menaçants. Cet événement survient lorsqu’il y a une élévation extrême de la température dans une cellule, par exemple en raison d’une surchauffe, d’un court-circuit ou d’un contact avec une source de chaleur externe. Si la cellule n’est pas capable de dissiper adéquatement la chaleur produite, les réactions s’accélèrent et peuvent entraîner un emballement thermique.

« Lorsqu’une batterie est endommagée, son contenu peut être atteint, explique Saliha Menad. Cela entraîne une réaction exothermique, c’est-à-dire une réaction chimique qui dégage de la chaleur. » La chaleur se dégage généralement à la suite de négligence, comme lorsqu’on laisse tomber une batterie, qu’on l’utilise incorrectement, qu’on la recharge trop souvent ou qu’on la laisse se décharger pendant une période prolongée. Cela déclenche ensuite une réaction en chaîne, qui provoque encore une augmentation de la température. En effet, l’énergie est alors absorbée par d’autres molécules chimiques, ce qui déclenche une autre réaction chimique, puis une autre, et ainsi de suite… C’est l’effet domino.

« Plus il y a de réactions en chaîne, plus la température augmente, précise l’experte. Cela fait fondre la membrane qui sépare l’anode et la cathode. » La chaleur élevée générée par la réaction devient alors très importante, car elle est emprisonnée à l’intérieur. De plus, la batterie libère de grandes quantités de gaz et de vapeurs inflammables. Un tel scénario représente un danger d’explosion ou d’incendie, qui peut survenir jusqu’à 72 heures après le début de la réaction. « Comme il s’agit d’une réaction en chaîne, elle peut commencer discrètement, puis s’accélérer, pour finalement créer une explosion ou un incendie », explique Mme Menad.

En outre, l’arc électrique, un des risques électriques les plus redoutables, est malheureusement assez peu connu. Il s’agit d’une décharge électrique continue à haute tension se produisant entre deux conducteurs et qui se manifeste par une émission lumineuse intense et une chaleur extrême.

Les batteries lithium-ion présentent également des risques chimiques, lorsqu’un dommage aux cellules entraîne des réactions chimiques menant à une hausse de la température et de la pression interne, à une combustion et à la libération de nombreux produits dangereux toxiques et corrosifs sous forme de gaz ou de particules. Il faut donc éviter tout contact avec ces produits, dont le fluorure d’hydrogène.

Selon Saliha Menad, il est toutefois possible de prévenir ces incidents. « Si la batterie dégage des gaz, c’est qu’elle va probablement exploser. » Dans un tel cas, il faut isoler la batterie défectueuse et contacter le service de sécurité incendie.

Prévenir les risques

Les milieux de travail qui utilisent ce type de batterie doivent prendre en charge les risques qui y sont associés en prenant les mesures nécessaires pour les identifier, les corriger et les contrôler. Lorsque l’élimination à la source du risque n’est pas possible, une combinaison de mesures doit être mise en place en privilégiant celles qui ont une plus grande efficacité. Ainsi, on peut notamment utiliser des batteries de qualité provenant de fournisseurs certifiés. Il faut soumettre régulièrement les batteries à des vérifications techniques et remplacer tout de suite celles qui sont endommagées. La signalisation et la délimitation de zones de travail sont également requises. Les mesures administratives, comme la promotion de méthodes de travail sécuritaires et la formation du personnel, doivent aussi être implantées. Finalement, il faut s’assurer que les personnes qui doivent manipuler les batteries disposent d’équipements de protection individuelle adéquats.

De même, il est essentiel de pouvoir déterminer si une batterie est endommagée. Elle peut présenter des signes visibles : elle peut être tordue ou perforée, du liquide électrolytique peut s’en écouler, elle peut dégager une odeur inhabituelle ou de la fumée. Toutefois, elle pourrait être endommagée, même sans signes visibles. Ainsi, une mauvaise utilisation d’une batterie lithium-ion, comme une charge inappropriée, peut entraîner une surchauffe et un incendie. Il est donc important de respecter les directives du fabricant et d’utiliser uniquement les accessoires fournis avec l’appareil. Il est d’ailleurs conseillé d’acheter son équipement auprès d’un seul fournisseur. Pour éviter les contacts et les courts-circuits, il est recommandé de protéger les bornes des batteries avec des protège-bornes approuvés ou d’installer des couvercles en plastique sur les composantes à haute tension qui sont accessibles.

Assurer un entreposage sécuritaire

Le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (RTMD) répertorie les piles et les batteries au lithium dans la classe 9 (Produits, matières ou organismes divers). Par ailleurs, le Code national de prévention des incendies (CNPI) encadre l’entreposage des matières dangereuses. L’entreposage de ces batteries présente des risques. Il faut donc appliquer les bonnes pratiques et observer certaines règles pour assurer un entreposage sécuritaire. Tout d’abord, il est important de délimiter et d’identifier les aires d’entreposage. En effet, les batteries lithium-ion doivent être conservées séparément des autres matières dangereuses. De plus, toute batterie usagée, défectueuse ou endommagée doit être entreposée dans un endroit différent de celui où sont entreposées les batteries neuves. « Les batteries défaillantes ou usagées présentent un risque plus élevé d’emballement thermique que les batteries neuves », indique Mme Menad. On recommande aussi de conserver une distance minimale de 400 mm entre les batteries et le mur pour assurer une circulation suffisante de l’air ambiant. De plus, il vaut mieux éviter de superposer les batteries au lithium. Elles doivent plutôt être déposées sur des rayonnages.

La zone d’entreposage doit être un endroit frais, éloigné de toute source de chaleur et protégé de la lumière directe du soleil. Les murs, le plancher et le plafond doivent avoir une résistance au feu d’une durée minimale de deux heures. « On peut prévenir les incendies en installant des systèmes de détection de chaleur et des systèmes de détection de fumée », rappelle d’ailleurs l’experte. Les tournées d’inspection périodiques effectuées avec une caméra thermique permettent de vérifier l’état des batteries et des lieux. En cas d’anomalie constatée, il est recommandé de communiquer avec le service de sécurité incendie.

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