Changements au Code de sécurité pour les travaux de construction : prévenir les chutes en hauteur et améliorer le sauvetage
Par Paul Therrien
29 avril 2025
Photo : sculpies/Shutterstock.com
Les chutes de hauteur causent plusieurs accidents du travail sur les chantiers de construction. Afin de s’assurer que les travailleuses et travailleurs peuvent effectuer leurs tâches en sécurité, il est primordial de bien planifier les travaux qui doivent être effectués en hauteur. Pour améliorer la prévention des chutes et les mesures de sauvetage en cas de chute, des modifications ont été apportées au Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC). Elles sont entrées en vigueur en février 2025. Pour bien comprendre ces changements, nous avons discuté avec Alexandra Miranda-Chang et Jérémie Filion, ingénieurs séniors en prévention-inspection à la CNESST.
Le projet de règlement modifiant le CSTC avait pour objectif premier d’améliorer la prévention concernant un risque important pour la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs, soit les chutes de hauteur. « Il y avait un rattrapage à effectuer, explique Jérémie Filion. L’implantation des nouvelles mesures réglementaires assure aux travailleuses et travailleurs québécois une protection qui se rapproche de celle offerte dans d’autres provinces canadiennes. » La modification du CSTC concerne les travaux en hauteur sous deux angles principaux : la protection contre les chutes et le sauvetage à la suite d’une chute.
La prévention des chutes
Un volet important du projet de règlement visait à clarifier la hiérarchie des mesures de protection contre les chutes. En d’autres mots, il s’agit d’assurer que l’employeur choisisse le bon moyen pour empêcher la travailleuse ou le travailleur qui effectue ses tâches en hauteur de tomber dans le vide. Au sommet de la hiérarchie des moyens de prévention, on retrouve l’installation d’un garde-corps. Or, lorsqu’il n’est pas possible d’en poser un, par exemple dans le cas où il gêne l’exécution des travaux, il faut revoir l’organisation du travail de façon à ce que le travailleur effectue sa tâche à partir du sol ou d’une surface où il n’y a pas de risque de chute (par exemple, en utilisant un appareil de levage de personnes). Si ce n’est pas possible, on peut ensuite considérer les nouvelles dispositions relatives à la limitation de déplacement. « Essentiellement, lorsqu’il est bien appliqué, un système de limitation de déplacement, c’est un peu la même chose qu’un garde-corps, car il empêche la chute dans le vide. Le travailleur portant un harnais est attaché de manière à éviter d’atteindre la bordure du vide en tout temps », décrit Jérémie Filion. Si les options précédentes ne sont pas praticables, l’installation de filets de sécurité peut être à considérer. Lorsqu’ils sont bien utilisés, ces derniers peuvent limiter l’impact d’une chute et ainsi éviter des lésions importantes… pourvu que le travailleur ne heurte pas un obstacle en tombant et que leur installation soit conforme au règlement. Finalement, au bas de la hiérarchie, il y a l’utilisation d’un harnais pour arrêter une chute. « Malheureusement, le harnais n’est pas le meilleur moyen de protection car même si le travailleur est attaché, il s’expose à des blessures au cours de la chute, précise M. Filion. De plus, contrairement à un garde-corps, c’est un moyen qui dépend de nombreux facteurs pour être efficace. C’est donc plus sécuritaire et plus simple d’utiliser un harnais dans un système de limitation de déplacement que dans un système d’arrêt de chute. »
« Les instructions des manufacturiers d’équipements d’arrêt de chute précisent la nécessité de prévoir un plan de sauvetage avant leur utilisation. Ce n’est donc pas quelque chose de nouveau en soi. Toutefois, il y avait un réel besoin de réglementer les exigences liées au sauvetage à la suite d’une chute pour uniformiser l’application de ces mesures. »
– Alexandra Miranda-Chang, ingénieure séniore en prévention-inspection à la CNESST.
Le sauvetage
Les moyens de protection, comme les harnais de sécurité et les filets de sécurité, ne visent donc pas à éliminer les chutes, mais plutôt à les arrêter afin d’en limiter les conséquences. En effet, le travailleur qui est suspendu dans le vide à la suite d’une chute n’est pas hors de danger, bien au contraire… Le « syndrome du harnais » peut survenir en quelques minutes : la circulation sanguine étant limitée par la pression des sangles du harnais, le travailleur risque de perdre conscience, de subir des lésions graves ou même de décéder, puisque les organes vitaux et le cerveau peuvent alors manquer d’oxygène. Quant au travailleur retenu par un filet, bien que le risque soit réduit, il pourrait s’être blessé en tombant avec un outil de travail ou avoir heurté une structure latérale avant sa chute verticale. Le sauvetage doit donc avoir lieu dans un délai maximal de 15 minutes pour éviter le pire. Ainsi, on ne peut pas compter uniquement sur les services d’urgence. C’est pourquoi la modification du CSTC élargit les exigences liées au sauvetage qui étaient définies dans la section touchant les travaux de montage de charpentes métalliques. « Le but, c’était vraiment de s’assurer que le volet sauvetage est bien pris en charge sur le chantier, souligne Alexandra Miranda-Chang. En cas de chute de hauteur, que le travailleur se trouve suspendu par un harnais ou qu’il soit dans un filet, les personnes impliquées dans la procédure doivent savoir quoi faire. On ne veut surtout pas improviser, alors que chaque minute compte et risque d’aggraver les lésions subies par le travailleur. »
Une responsabilité précisée
Le maître d’œuvre est celui qui coordonne les travaux pour l’ensemble des activités du chantier. La modification du CSTC vise à préciser que le sauvetage à la suite d’une chute est sous la responsabilité du maître d’œuvre : c’est lui qui doit coordonner le tout en collaboration avec les employeurs selon l’évolution du chantier, comme c’est le cas pour d’autres mesures d’urgence prévues au CSTC. Afin d’optimiser l’efficacité de l’opération, la procédure de sauvetage doit prioriser l’utilisation d’appareils de levage de personnes. Parmi les autres équipements pouvant être utilisés, on retrouve notamment les échelles, les échafaudages, les perches et d’autres dispositifs de descente contrôlée des travailleuses et travailleurs suspendus dans le vide. Il revient aussi au maître d’œuvre de prendre en charge la gestion de la formation concernant la procédure de sauvetage et la tenue d’exercices en lien avec la procédure prévue ainsi que de s’assurer de la disponibilité des équipements nécessaires au sauvetage. Pendant les travaux en hauteur sur un chantier, il doit y avoir sur place, en tout temps, au moins un intervenant qui a suivi une formation en sauvetage, celle-ci le rendant apte à sortir le travailleur de sa fâcheuse position. « Ces obligations liées au sauvetage uniformisent l’application d’une mesure essentielle en matière de gestion du travail en hauteur en s’arrimant avec les normes, les instructions des manufacturiers d’équipements d’arrêt de chute et la réglementation des autres juridictions. On évolue dans la bonne direction », conclut Alexandra Miranda-Chang.
Bon à savoir
Lorsque les travailleuses et travailleurs sont exposés à un danger de chute de plus de 3 mètres, l’employeur doit installer des garde-corps. Si ce n’est pas possible, il doit évaluer quel moyen de protection assurera leur sécurité, tout en respectant l’ordre de préséance indiqué à la réglementation. Le port d’un harnais de sécurité relié à un point d’ancrage afin d’arrêter une chute est le dernier parmi la liste des moyens à considérer.