Entrevue avec Judy Major
Faire de la SST son métier
Par Lyndie Lévesque
3 mai 2022
Si les inspecteurs et les inspectrices en milieu de travail semblent avoir un rôle plutôt coercitif, leur but premier demeure de promouvoir la santé et la sécurité du travail (SST). Pour en apprendre davantage sur les rouages de ce métier, nous nous sommes entretenus avec Judy Major, inspectrice à la CNESST depuis maintenant treize ans.
Avant d’entamer sa carrière au sein de la CNESST, Judy a terminé un baccalauréat en kinésiologie à l’Université Laval ainsi qu’une maîtrise en ergonomie au département de génie industriel de Polytechnique Montréal. Elle est devenue inspectrice tout de suite après avoir obtenu son diplôme. Quand on lui demande si son parcours lui semblait déjà tracé à l’époque, elle répond : « Ce n’était pas du tout ça, le plan! Ce type de profession m’était inconnu. » Finalement, c’est en participant à un projet de collaboration entre la CNESST et la Chaire de recherche du Canada en ergonomie que Judy a découvert cette option de carrière. « Après ça, ça avait du sens pour moi de continuer dans cette direction-là », dit-elle.
De grands généralistes
Depuis maintenant treize ans, Judy Major fait partie d’une équipe d’inspectrices et d’inspecteurs sur l’île de Montréal pour le secteur Établissements. Les inspecteurs couvrent tous les types de milieux de travail qui ont au moins un travailleur sur place. Ils peuvent être amenés à visiter des endroits aussi divers que des milieux manu facturiers, des établissements de santé, des centres de la petite enfance (CPE), des plateaux de tournage de cinéma, des entreprises d’activités nautiques sur le fleuve Saint-Laurent. « Nos connaissances doivent donc être très variées », explique Judy Major. Ainsi, elle considère qu’avoir un profil plus « généraliste » demeure un atout.
« On ne peut pas tout savoir, c’est impossible. Cela implique donc de faire preuve d’humilité, de demeurer curieux et intéressé et de faire ses recherches. On doit poser des questions à l’employeur et aux travailleurs ainsi qu’à nos collègues à l’interne ou à notre réseau d’experts. Il faut consulter le répertoire toxicologique, le centre de documentation ou des organismes partenaires », explique Mme Major. Selon elle, si son travail peut paraître individuel, dans les faits, il n’en est rien. « On ne peut pas jongler avec ça tout seul; il faut travailler en équipe pour bien identifier le danger, faire ressortir les règles de l’art et soutenir le milieu de travail dans la recherche de solutions appropriées », ajoute-t-elle.
Des imprévus stimulants
Chaque jour, des dossiers sont assignés à son équipe : des visites de prévention, des plaintes, des accidents, des droits de refus ou des demandes d’assistance relatives au programme Pour une maternité sans danger (PMSD). Toutefois, le côté routinier de son travail s’arrête là : « Notre quotidien peut être bouleversé à tout moment, dit Mme Major. On peut être appelés pour traiter une urgence en lien avec un accident grave, un droit de refus ou un signalement d’une situation dangereuse. »
Retour aux sources
L’inspectrice apprécie la diversité de son travail. En outre, elle a une affection particulière pour les interventions en lien avec l’ergonomie et les troubles musculo-squelettiques. Ayant étudié dans le domaine, elle a alors l’occasion de mettre ses connaissances en pratique. « C’est un domaine où il y a quand même beaucoup de zones grises; ce n’est jamais tranché au couteau », précise Judy Major. Ainsi, elle explique qu’il faut donc passer plus de temps avec les gens pour les observer et poser des questions sur leurs tâches.
En effet, les risques associés à un environnement de travail inadapté ne sont pas toujours facilement identifiables, mais les blessures ou les douleurs ressenties par les travailleuses et les travailleurs sont bien réelles et nous apportent des informations importantes. Il est donc pertinent de favoriser la participation des personnes touchées dans la démarche d’analyse de risques. Pour régler un problème, raconte-t-elle, on peut penser que des investissements majeurs sont toujours requis ou qu’un réaménagement complet est absolument nécessaire. Pourtant, la plupart du temps, la solution réside dans des éléments facilement modifiables, comme la hauteur d’une surface de travail ou la disposition des outils de travail. Et les changements peuvent être observables rapidement. « Une personne qui a mal tous les jours réalise à quel point l’ergonomie est importante. Elle réalise aussi que prendre le temps de s’occuper du problème peut faire toute la différence », ajoute-t-elle.
Tout faire pour la santé et la sécurité du travail
Le travail de l’inspecteur ou de l’inspectrice est avant tout un travail visant l’application d’une loi. Selon Judy Major, ce rôle fait en sorte que les gens peuvent avoir une certaine appréhension lors de ses visites en milieu de travail. « Oui, nous avons le pouvoir de contraindre les milieux de travail, mais notre approche vise aussi à les convaincre et à les soutenir. Le but de nos visites, c’est d’améliorer les choses et d’assurer une prise en charge par le milieu pour augmenter la qualité de vie au travail », lance-t-elle. Quel que soit le milieu dans lequel elle intervient, l’objectif premier de Judy Major demeure la promotion de la santé et de la sécurité du travail. « On fait ça pour que les travailleurs reviennent à la maison le soir, auprès de leur famille, en bonne santé », conclut l’inspectrice.