L’organisme face à la fumée de soudage

Par Maxime Bilodeau

3 juin 2025

Photo : nimis69/iStock.com

Les résultats d’une étude financée par l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail (IRSST) confirment la pertinence de mesurer l’exposition biologique aux fumées de soudage.

Assembler des pièces de métal par fusion est une pratique courante dans les secteurs de la construction, industriel et automobile. On estime de fait à près de 80 000 le nombre de soudeurs et soudeuses au Canada en 2024, dont environ le quart est en activité dans la seule province du Québec. Cela signifie que plusieurs travailleurs et travailleuses sont potentiellement exposés quotidiennement à un cancérogène avéré : les fumées de soudage. Ce n’est pas tout ; ces émanations toxiques sont aussi reliées à plusieurs maladies respiratoires ainsi qu’à des affections neurologiques, notamment.

C’est pourquoi il faut se préoccuper des niveaux d’exposition à ces fumées en milieu de travail. « De manière classique, on s’intéresse aux valeurs à ne pas dépasser dans l’air pour les constituants métalliques contenus dans ces fumées. Or, on se rend compte que ce n’est pas la meilleure manière de déterminer l’exposition réelle du personnel sur le terrain », explique Michèle Bouchard, professeure au Département de santé environnementale et au travail de l’École de santé publique de l’Université de Montréal (UdeM). Elle est aussi titulaire de la Chaire d’analyse et de gestion des risques toxicologiques.

Avec des collègues de l’UdeM et l’IRSST, la chercheuse a donc mené une étude qui repose sur une autre méthode du calcul de l’exposition aux fumées de soudage : par l’entremise de matrices biologiques. « L’examen de la présence d’éléments métalliques dans l’urine, les ongles de main ainsi que de pieds et les cheveux permet d’en savoir beaucoup sur leur absorption », souligne l’experte.

Suivi longitudinal

Le choix de suivre une cohorte d’apprentis soudeurs dans le cadre de cette recherche est tout sauf anodin. Tout au long de leur formation d’environ une année, ces derniers sont exposés petit à petit aux fumées des procédés de soudage les plus couramment utilisés, soit le soudage à l’arc avec électrode enrobée, le soudage à l’arc sous gaz avec fil plein et le soudage à l’arc avec fil fourré. Qui plus est, ils ont l’avantage d’avoir un profil d’exposition relativement vierge au début de leurs études, ce qui est propice à la réalisation de mesures de base servant de références.

Dans le cas présent, 116 apprentis soudeurs issus de trois écoles de formation de la région de Montréal ont été recrutés. Faits notables : l’échantillon était majoritairement composé de personnes de sexe masculin et de différentes origines ethniques. Ce dernier point est important, car on remarque que la structure des cheveux des personnes de descendance africaine favorise naturellement l’incorporation de certains éléments métalliques. « Cela a potentiellement des implications en matière de mesures de base des niveaux d’exposition biologique chez cette population », indique Michèle Bouchard.

Des prélèvements de matrices biologiques ont été effectués à six étapes clés tout au long des douze mois de l’étude. Le but : capter l’augmentation du temps d’exposition à 21 différents métaux, comme l’arsenic, le chrome, le cobalt, le cuivre, le fer, le nickel et le manganèse tout au long du programme d’études. L’échantillonnage des fumées de soudage dans les écoles de formation a également été réalisé en parallèle. « Nous supposions que, malgré la courte durée de collecte de données, les niveaux relevés auraient augmenté au terme de la collecte d’échantillons », raconte-t-elle.

Attention à l’interprétation

Les analyses en salle blanche ont confirmé cette hypothèse. En fin de compte, les concentrations biologiques des différents métaux retenus ont de manière générale augmenté tout au long du programme de soudage, avec néanmoins certaines variations selon les matrices et les procédés de soudage. Par exemple, les concentrations de fer, de manganèse et de nickel ont augmenté de manière constante dans les ongles et les cheveux. Mais, elles n’ont augmenté dans l’urine qu’entre le début et la fin du module consacré au soudage à l’arc avec électrode enrobée.

Pour Michèle Bouchard, ces résultats soulignent l’importance d’un virage vers la surveillance biologique des fumées de soudage. L’experte met toutefois en garde contre l’interprétation parfois difficile de tels échantillons. « Ce n’est pas comme mesurer dans l’air ; il y a beaucoup plus de variables parasites qui influencent les résultats », nuance-t-elle. À preuve : dans cette étude, l’âge, l’origine ethnique et le revenu annuel du ménage ont eu un effet sur les niveaux de métaux mesurés et ont donc été considérés comme des facteurs de confusion. « La toxicocinétique, c’est rarement blanc ou noir. »

Pour en savoir plus

Rapport de recherche synthèse :

Évaluation et caractérisation de l’exposition aux fumées et leurs composantes métalliques lors d’activités de soudage au Québec (RS-1215-fr)

Autrices et auteurs du rapport :

Michèle Bouchard, Jairo Buitrago Cortes, Naïma El Majidi, Jonathan Côté, Denis Dieme, Marc Mantha, Département de santé environnementale et santé au travail, Université de Montréal et Philippe Sarazin, Capucine Ouellet, Loïc Wingert, Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail du Québec

IRSST

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