Présence attentive et autocompassion : des outils pour favoriser la résilience au travail
Par Paul Therrien
12 août 2025
Photo : insta_photos/Shutterstock.com
Nous vivons dans une ère marquée par les changements rapides et les turbulences. Il peut donc être difficile, dans de telles conditions, de préserver sa santé psychologique, de prendre des décisions éclairées et de se sentir à la hauteur. Nous en avons discuté avec Geneviève Taylor, psychologue et professeure, et Gabrielle Beaupré, conseillère d’orientation et doctorante, autrices du livre Présence attentive et autocompassion au service de la carrière et chercheuses en counseling de carrière à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elles nous ont parlé de l’approche qu’elles préconisent afin de faire face aux obstacles et de renforcer la résilience au travail.
« La carrière n’est plus aussi linéaire qu’elle l’était aux époques précédentes, souligne d’emblée Geneviève Taylor. Au cours d’une vie, on a beaucoup de choix à faire, et les transformations technologiques complexifient le marché du travail. Tous ces changements ont des effets sur la santé mentale : le stress, l’anxiété et la dépression sont plus présents que jamais. » En effet, il est de moins en moins rare que les gens cumulent plus d’un emploi pour joindre les deux bouts, ce qui peut être anxiogène. « Il y a aussi tellement de perspectives professionnelles qui peuvent se présenter… Ça peut être paralysant », ajoute l’experte. Le stress, l’anxiété et les symptômes de la dépression, lorsqu’ils atteignent un certain degré, peuvent « brouiller la prise de décision et complexifier tout ce qui touche à l’aspect relationnel, affectant même notre capacité à aider les autres, dans le cadre de notre travail ou non », explique Gabrielle Beaupré.
Ici et maintenant, sans jugement
Lorsqu’on se sent envahi par le stress, l’une des solutions possibles est de pratiquer la présence attentive, qui consiste à adopter une posture d’observateur bienveillant du moment présent. Cela commence souvent par une simple question : « Que se passe-t-il, ici et maintenant ? » Cette question permet de prendre conscience de nos propres pensées, émotions et sensations, et ce, sans jugement. « C’est un état qui nous pousse à porter attention à ce qui se passe dans notre tête, dans notre cœur et dans notre corps », explique Geneviève Taylor. Cette prise de conscience permet d’apporter immédiatement des ajustements pour retrouver une certaine quiétude. Par exemple, si on constate qu’on a certaines sensations corporelles désagréables, comme une tension aux épaules ou un nœud dans le dos, quelques étirements peuvent soulager. Ce simple geste interrompt le mode automatique dans lequel nous fonctionnons souvent et nous reconnecte à notre expérience du moment.
En plus de la présence attentive, les autrices proposent de pratiquer l’autocompassion, une attitude bienveillante et compréhensive envers soi-même dans les moments difficiles de la vie professionnelle, comme un épuisement ou une mise à pied. Les recherches indiquent que les gens qui pratiquent la présence attentive tendent généralement à être plus heureux, même en période d’adversité. Selon les autrices, l’ajout de l’autocompassion favoriserait encore davantage la résilience. « Ce sont deux concepts complémentaires qui aident à mieux se connaître, à réduire l’anxiété et à retrouver un certain équilibre », explique Mme Beaupré.
« Lorsqu’on se sent envahi par le stress, l’une des solutions possibles est de pratiquer la présence attentive, qui consiste à adopter une posture d’observateur bienveillant du moment présent. »
Prendre les commandes
Les chercheuses expliquent que, sous l’effet du stress et de l’anxiété au travail, nous avons tendance à entrer en « mode pilote automatique », un état où le « bruit mental » nous plonge dans le passé ou dans l’avenir, nous éloignant du moment présent. Durant ces moments, notre réflexe « par défaut » serait souvent d’être critiques et sévères envers nous-mêmes. « Notre voix intérieure peut parfois être froide et méchante, affirme Gabrielle Beaupré. Pratiquer l’autocompassion vient un peu renverser ce phénomène. En ayant des pensées bienveillantes envers soi-même, on favorise énormément la résilience. »
Connais-toi toi-même
Selon les autrices, la présence attentive et l’autocompassion permettraient de mieux se connaître, de se fixer des objectifs de carrière en phase avec ses propres valeurs et ses véritables intérêts et de développer une résilience accrue face aux obstacles. D’ailleurs, il est intéressant de mentionner que ces outils pourraient être très utiles aux professionnels en relation d’aide, comme les conseillères et conseillers en orientation, les psychologues et les travailleuses et travailleurs sociaux, souvent appelés à composer avec le stress de leur clientèle, en plus du leur. « La présence attentive et l’autocompassion aident à se motiver soi-même quand on a des difficultés, affirme Gabrielle Beaupré. Les pratiquer est un peu l’équivalent de se donner une petite tape dans le dos et de devenir son propre meilleur ami bienveillant qui souhaite qu’on réussisse. »
Une application universelle
« Il n’y a pas qu’une seule et unique façon d’intégrer ces pratiques dans sa vie, indique Geneviève Taylor. Il est important de retenir qu’on peut être flexible et les adapter au quotidien, selon nos besoins. » L’important, ajoute-t-elle, c’est de considérer la présence attentive et l’autocompassion comme un moyen pour changer notre relation avec les expériences vécues. Plutôt que de les voir comme des obligations supplémentaires, les autrices suggèrent de les intégrer dans notre routine à travers des gestes qu’on fait déjà. De plus, elles recommandent de se rappeler qu’on n’est jamais vraiment seul à vivre des difficultés. « On est tous dans le même bateau. Presque tout le monde a déjà vécu, à sa manière, une expérience semblable à celle que l’on traverse. Quand on se sent vraiment seul, il vaut mieux favoriser sa résilience en contemplant l’universalité de ce que l’on vit », conclut Geneviève Taylor.