Prise en charge de la SST : 5 conditions gagnantes pour sécuriser son milieu de travail
Par Guy Sabourin
4 novembre 2025
Photo : sirtravelalot/Shutterstock.com
Les conditions pour réussir la prise en charge de la santé et de la sécurité du travail (SST) dans un milieu ont été établies par la CNESST. Toutefois, elles ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont tirées des connaissances empiriques dans la littérature, des normes CSA ainsi que de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Catherine Ferland, conseillère experte en prévention-inspection à la Direction générale de la gouvernance et du conseil stratégique en prévention de la CNESST, nous dévoile comment une organisation peut avoir une prise en charge adéquate de la SST.
« Les conditions gagnantes à la prise en charge de la SST s’appuient sur des sources solides. Une fois réunies, elles permettent une prise en charge efficace de la SST », précise d’emblée Catherine Ferland, avant d’énumérer ces conditions.
Première condition : l’engagement et le soutien de la haute direction
La haute direction dans un milieu de travail joue un rôle important, car elle donne le ton. En effet, son attitude et son soutien peuvent faire la différence entre une prise en charge réussie et une prise en charge inefficace. La haute direction en fait-elle une priorité? A-t-elle élaboré une politique de SST et le personnel en a-t-il pris connaissance? A-t-elle libéré des gens pour s’en occuper? Y a-t-elle consacré un budget conséquent? Les gestionnaires donnent-ils l’exemple en respectant les mesures de prévention dans le milieu de travail? Voilà de bonnes questions à se poser. « Se limiter à dire que c’est important, sans montrer l’exemple ni développer quoi que ce soit de concret, ça n’a aucune répercussion dans le milieu de travail, explique Catherine Ferland. À l’inverse, lorsque la haute direction prend des mesures visibles, qui sont comprises par les travailleuses et travailleurs, cela favorise le développement d’une culture de prévention et l’implication envers la prise en charge de la SST. »
Deuxième condition : la participation des travailleuses et travailleurs
La prise en charge de la SST est une responsabilité partagée entre tous les acteurs du milieu de travail, particulièrement les gestionnaires ainsi que les travailleuses et travailleurs, car ils sont les premiers à être exposés aux risques présents dans un milieu de travail. Si la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) leur donne des droits, l’article 49 leur confie aussi des obligations. En bref, les travailleuses et travailleurs doivent, entre autres, respecter les règles de sécurité, participer à l’identification des risques et proposer des solutions. Sans leur implication, la SST n’est ni vivante ni dynamique dans le milieu. Toutefois, si l’engagement de la haute direction jumelée à l’implication des travailleurs et travailleuses se concrétise, le personnel profitera de la place qu’on leur accorde pour parler et proposer ses idées. Pour les travailleuses et travailleurs, s’impliquer veut aussi dire jouer un rôle en lien avec les mécanismes de participation présents dans son milieu, comme faire partie du comité de santé et de sécurité (CSS), être représentante ou représentant en santé et en sécurité (RSS) ou être agente ou agent de liaison en santé et en sécurité (ALSS).
« Depuis la mise en place des nouvelles obligations au Québec, le 6 octobre 2025, les milieux de travail doivent se doter de mécanismes de participation, rappelle Catherine Ferland. Et cela vaut autant pour les petits milieux de 19 travailleurs ou moins que pour les plus grands. Toutes les personnes impliquées font vivre la SST de façon collaborative dans leur milieu de travail. » Ainsi, même les très petits milieux ont l’obligation d’avoir un agent de liaison en SST, dont le rôle est d’être l’intermédiaire entre l’employeur et les autres travailleuses et travailleurs. Cette personne coopère avec l’employeur en matière de santé et de sécurité et lui fait des recommandations écrites. Elle peut aussi porter plainte à la CNESST, si nécessaire. Elle est protégée en vertu de la loi. Ce mécanisme est moins « lourd » qu’un CSS ou qu’un RSS, une obligation réservée aux milieux de 20 travailleurs ou plus. « S’il y a entente entre l’employeur et les travailleurs d’un établissement, la loi permet aux milieux d’adapter certains éléments, comme le nombre de rencontres du CSS et le nombre d’heures de libération du RSS, à la réalité propre à leur milieu de travail, précise Mme Ferland. Par contre, s’il n’y a pas d’entente conclue, les éléments prévus par la LSST doivent être appliqués. »
« Les travailleuses et travailleurs doivent respecter les règles de sécurité, participer à l’identification des risques et proposer des solutions. Sans leur implication, la SST n’est ni vivante ni dynamique dans le milieu. »
Troisième condition : connaître les responsabilités de chacun en SST
La SST est l’affaire de tout le monde, qu’on soit gestionnaire, représentant de l’employeur, travailleuse ou travailleur. Les responsabilités de chacun doivent être clairement définies, connues de tous et incluses dans les définitions de tâches. « De manière générale, il faut que les responsabilités de chacun et chacune en lien avec la SST soient intégrées dans les activités courantes du milieu de travail, précise Catherine Ferland. Tout le monde doit connaître son rôle et savoir quoi faire à quel moment. » Les gestionnaires, au nom de l’employeur, s’assurent que les travailleuses et travailleurs connaissent ces responsabilités et les appliquent.
Quatrième condition : organiser la prévention
Cette étape est au cœur de la prévention dans un milieu de travail. « Même si l’on souhaite prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles, si l’on n’a pas, à la base, identifié, corrigé et contrôlé les risques que comporte le milieu de travail, rien n’arrivera, précise Catherine Ferland. Tout part de là, afin de bien organiser la prévention et de respecter l’esprit de la loi. »
Il convient donc tout d’abord d’organiser des activités pour identifier les risques, ce que tout le monde peut faire. Ce peut être d’inspecter les lieux de travail ou de consulter les registres d’accidents ainsi que les travailleuses et travailleurs. La prochaine étape consiste à analyser ces risques pour savoir lesquels il faut prioriser. L’étape suivante est de tenter d’éliminer les risques à la source le plus possible ou de les corriger selon la hiérarchie des mesures de prévention. Ainsi, il est plus efficace d’éliminer un risque que de porter un équipement de protection individuelle (EPI), qu’il faut utiliser seulement s’il n’y a pas d’autre solution. Ensuite, il faut contrôler les risques, c’est-à-dire rester vigilant pour s’assurer qu’ils ne reviennent pas avec le temps. « C’est la responsabilité de l’employeur de faire vivre la SST et de s’assurer que ses installations et son équipement sont sécuritaires, rappelle Catherine Ferland. Les travailleurs et travailleuses ont, pour leur part, la responsabilité de participer à l’identification et à l’élimination des risques. » Cependant, tous les risques ne sont pas visibles au premier coup d’œil. Il doit donc y avoir une démarche d’identification, des inspections périodiques et, au besoin, la consultation d’outils, comme le Registre des accidents de travail et des maladies professionnelles, ou d’experts en prévention. Il importe de rappeler que les RSS et les CSS ont des fonctions définies par rapport à l’identification des risques, sur les plans de l’inspection et des recommandations à inscrire au programme de prévention. Ainsi, si le risque qu’une machine coupe la main de quelqu’un est évident, le risque ergonomique l’est nettement moins, ce qui n’enlève pas l’obligation de l’identifier et de s’assurer que des mesures de prévention sont mises en place.
Cinquième condition : évaluer la performance en SST
« Cette cinquième et dernière condition gagnante est souvent mise de côté, parce que c’est la moins évidente, explique Catherine Ferland. Toutefois, c’est celle qui permet au milieu de progresser vraiment, car la prise en charge de la SST est une démarche qui doit être en amélioration continue. » En effet, un milieu de travail est toujours en mouvement : des gens partent, des nouveaux arrivent, les procédés changent, les procédures et les manières de travailler aussi, si bien que la prise en charge doit suivre l’évolution de l’environnement. « Cette évaluation permet au milieu de prendre un moment pour observer, par exemple, ce qu’on a fait dans la dernière année sur le plan de la SST, de voir si l’on a atteint nos objectifs, d’en fixer de nouveaux, de réaliser où on a performé et où on a moins bien performé », précise Catherine Ferland. Ainsi, la prise en charge ne stagne pas. Cette étape peut être réalisée par le CSS ou par l’employeur. Elle permet aux personnes concernées par la SST d’avoir une vue d’ensemble du milieu de travail et de connaître les objectifs de l’établissement.
La prise en charge de la SST : pas une option, mais une obligation
Tous les milieux de travail, grands et petits, ont l’obligation de prendre en charge la SST. « Ça se gère comme on le ferait, par exemple, pour les ressources humaines, affirme Catherine Ferland. Ça doit être présent dans la gestion de l’entreprise, à tous les niveaux. Concrètement, il s’agit de mettre en place les mesures nécessaires pour respecter ses obligations légales, soit identifier, corriger et contrôler les risques, puis de favoriser la participation des travailleuses et travailleurs. »
Il est à noter que des conseillères et conseillers en prévention de la CNESST ou provenant d’associations sectorielles paritaires peuvent fournir du soutien et de la documentation adaptés aux conditions particulières du milieu de travail. « On ne part jamais de zéro, car des outils ont été développés pour fournir de l’assistance lors du démarrage ou à n’importe quel moment en cours de route », précise Mme Ferland.
Un outil pour s’aider
L’outil de diagnostic et de prise en charge de la santé et de la sécurité du travail constitue un excellent point de départ pour évaluer dans quelle mesure une organisation respecte les cinq conditions gagnantes. Comprenant une cinquantaine de questions et un diagnostic, l’outil établit le portrait de la SST dans l’entreprise (sauf pour les chantiers de construction, qui doivent suivre des mesures particulières) en fonction de ces cinq conditions. Il cible les actions à favoriser, suit les progrès et facilite le dialogue autour de la prévention. Il peut être utilisé par les employeurs, les travailleuses et travailleurs, leurs représentantes et représentants, les membres du comité de santé et sécurité ou tout autre groupe de travail concerné par la SST.