Un questionnaire sensible pour détecter l’asthme relié au travail
Par Guy Sabourin
5 novembre 2024
Photo : iStock.com/lemono
Au Canada, environ une personne sur dix souffre d’asthme. L’exposition à une substance spécifique ou à un agent irritant dans son milieu de travail aggrave l’état d’une d’entre elles sur cinq. Il s’agit de l’asthme relié au travail (ART), globalement sous-diagnostiqué et difficile à investiguer. Il s’écoule généralement quatre ans avant d’obtenir un tel diagnostic, période durant laquelle la productivité de l’individu diminue tandis que ses besoins en soins de santé augmentent. Les médecins de première ligne pourraient jouer un rôle majeur dans la détection précoce de l’ART s’ils disposaient d’un outil efficace.
La chercheuse Catherine Lemiere, pneumologue à l’Hôpital de Sacré-Cœur de Montréal et professeure titulaire au Département de médecine de l’Université de Montréal, et son équipe viennent de tester un tel outil, soit le Questionnaire pour le dépistage de l’asthme relié au travail (QDART), que l’équipe de la Dre Diane Lougheed de l’Université Queen’s a créé. Il comporte 14 questions clés auxquelles répondent les personnes asthmatiques pour déceler l’existence d’un lien entre leurs symptômes et leur travail. L’étude financée par l’IRSST visait à valider la capacité du questionnaire à détecter de l’ART chez des sujets asthmatiques, puis à estimer et à comparer la qualité de vie et les coûts indirects des sujets atteints de cette maladie avec ceux qui ne sont pas atteints.
La recherche a évalué le cas de 110 personnes asthmatiques, recrutées dans deux cliniques québécoises ainsi que deux cliniques ontariennes spécialisées en asthme. Ces personnes travaillaient le plus souvent en santé ou en administration, ou encore dans des métiers reliés au transport et à la machinerie.
« Nous avons démontré la grande sensibilité de ce questionnaire pour identifier les patientes et patients ayant un asthme relié au travail, explique Catherine Lemiere. C’était notre objectif principal. Son efficacité résulte d’une combinaison de questions concernant les symptômes et d’une longue liste de substances potentielles pouvant donner de l’asthme au travail. Nous avons aussi observé que même si certaines personnes éprouvent des symptômes reliés à leur asthme quand elles sont au travail, il n’y a pas nécessairement de changement de leur fonction respiratoire lors des tests. Nous n’avons donc pas l’impression que leur asthme est pire lors des mesures objectives, mais ces personnes ont réellement des répercussions, c’est-à-dire une moins bonne qualité de vie. Il faut s’occuper d’elles, les prendre en charge, même si leur fonction respiratoire ne se détériore pas au travail. »
Milieux affectés
Les participantes et participants symptomatiques de cette étude ayant obtenu un résultat positif au questionnaire occupaient plus souvent des métiers dans le secteur manufacturier où l’exposition à des agents irritants et sensibilisants est fréquente, ou encore des emplois de bureau où l’on rapporte souvent une exposition à la poussière ou aux moisissures. Bien que l’étude n’ait pas significativement mentionné le secteur de la santé, la prévalence de l’ART y est habituellement élevée en raison d’une humidité anormale, propice aux moisissures, ainsi que de la présence d’agents nettoyants et de désinfectants.
Coûts
L’ART coûte cher. Selon une étude américaine (2001-2002), elle représente cinq fois plus de risques d’exacerbation asthmatique, cinq fois plus de visites à l’urgence et trois fois plus chez le médecin traitant dans l’année précédant le diagnostic. Au Québec, les coûts directs d’un sujet souffrant d’ART s’élèvent à 1 600 $ par année, excluant la médication. « Une prise en charge adéquate de cette condition entraîne une diminution de 30 % des coûts reliés à l’utilisation des soins de santé », illustre Catherine Lemiere. Et c’est sans compter une diminution des coûts indirects au travail, comme le manque de productivité associé à l’absentéisme ou au présentéisme, jumelée à l’amélioration de la qualité de vie des personnes. Tous ces coûts peuvent perdurer sur des années avant d’obtenir un diagnostic.
Comment utiliser ce questionnaire
Le questionnaire QDART est destiné à être rempli dans la salle d’attente du médecin, par exemple. « Pour le médecin, c’est facile de regarder rapidement si le questionnaire est positif, et si c’est le cas, il peut creuser davantage pour voir ce qu’il en est », illustre la chercheuse. Il pourrait également être utilisé dans les centres d’éducation des asthmatiques, où l’éducateur, comme le médecin, pourrait facilement faire une détection préalable à des tests plus poussés pour confirmer ou infirmer le diagnostic, et enfin, dans les milieux de travail connus pour leur potentiel à exacerber l’asthme au travail.
Pour qu’un questionnaire de dépistage soit utile en pratique clinique, il doit être très sensible et pouvoir identifier tous les individus touchés. C’est le cas du questionnaire QDART (L), qui démontre un taux de détection de 94 %. « Même si notre questionnaire est faiblement spécifique (il détecte aussi les faux positifs), nous pensons qu’il a le mérite d’attirer l’attention de la clinicienne ou du clinicien sur une relation entre symptômes d’asthme et travail, explique Catherine Lemiere. Dans de nombreux cas, quelques conseils et une prise en charge optimale de l’asthme permettent d’améliorer la situation. »
Pour en savoir plus
Rapport :Validation du questionnaire pour le dépistage de l’asthme relié au travail (QDART(L)TM) pour l’amélioration de sa détection précoce (R-1203-fr)
Chercheuses et chercheurs : Catherine Lemiere, Université de Montréal, Diane Lougheed, Queen’s University, Teresa To, University of Toronto, Lucie Blais et Brian White-Guay, Université de Montréal.