Offrir les premiers soins psychologiques
Par Daisy Gauthier
17 juin 2025
Photo : useng/iStock.com
Les événements potentiellement traumatiques (ÉPT) en milieu de travail sont trop souvent perçus comme étant exceptionnels ou inévitables. Pourtant, ils peuvent provoquer des effets psychologiques et physiques sérieux, parfois durables, chez les personnes exposées. Ces répercussions peuvent survenir à court, à moyen ou à long terme, et affecter profondément leur intégrité psychique.
L’autrice, Daisy Gauthier, est conseillère en prévention à l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS)
Pour atténuer les conséquences des ÉPT, l’organisation doit pouvoir donner une réponse structurée, proactive et conforme aux exigences légales. Les premiers soins psychologiques (PSP) constituent une approche rigoureuse pour offrir rapidement un tel soutien, humain et encadré, après un ÉPT.
Un risque réel, une responsabilité légale
En vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), l’employeur a l’obligation de protéger la santé et la sécurité de son personnel, ainsi que son intégrité physique et psychique. Cette obligation de diligence raisonnable s’étend aux risques psychosociaux, dont l’exposition aux ÉPT.
Un ÉPT consiste en une exposition directe, indirecte ou répétée, dans un contexte professionnel, à un événement comportant une menace sérieuse à l’intégrité d’une personne (ex. : agression, menace de mort, décès soudain, suicide). Lorsqu’ils sont banalisés ou mal pris en charge, ces événements peuvent entraîner des atteintes majeures à la santé mentale, en plus de représenter un manquement à la LSST.
Mieux comprendre pour mieux intervenir
Un traumatisme psychologique survient lorsqu’un événement dépasse la capacité d’adaptation d’une personne. Il peut altérer le fonctionnement du cerveau et générer des réactions comme l’hypervigilance, l’anxiété, les troubles du sommeil ou de mémoire.
- Ce n’est pas la nature de l’événement, mais les réactions qu’il provoque qui déterminent son effet traumatisant.
- Toute personne peut vivre un traumatisme sans forcément développer un trouble de stress post-traumatique (TSPT).
- Reconnaître les signes de détresse permet de mener une intervention sensible, adaptée et préventive.
Pour prévenir la détresse et mieux intervenir, les organisations doivent créer un environnement écoutant, respectueux et sécurisant.
Une réponse humaine, concrète et structurée
Les PSP permettent aux milieux de travail d’agir rapidement après un ÉPT et d’offrir un soutien bienveillant, et non une simple mesure ponctuelle. Au contraire, ces soins s’inscrivent dans une démarche globale de transformation des pratiques organisationnelles.
Fondés sur les meilleures pratiques en intervention post-traumatique, les PSP visent deux objectifs : réduire la détresse immédiate vécue après l’exposition à un ÉPT et favoriser l’adaptation dans les jours et les semaines qui suivent.
Les PSP consistent à établir un sentiment de sécurité et à favoriser le retour au calme des personnes exposées à un ÉPT. Ils visent aussi à renforcer leur sentiment d’efficacité personnelle et collective, à soutenir leurs liens sociaux et les réseaux d’entraide, ainsi qu’à promouvoir l’espoir et une perspective positive. En général, ce sont des collègues ou des gestionnaires formés qui offrent les PSP. N’étant pas des professionnelles de la santé, ces personnes agissent comme des pairs aidants, ce qui renforce la proximité, la confiance et la résilience collective. Animée par des formateurs familiers de la réalité du milieu de travail, la formation dure généralement de 7 à 8 heures en présentiel.
Lorsqu’ils sont donnés rapidement après un événement, les PSP réduisent le risque de développer un TSPT et soutiennent les facteurs de protection. Le mois suivant un ÉPT est reconnu comme étant particulièrement sensible. Ce délai constitue une fenêtre déterminante pour prévenir l’installation de réactions traumatiques persistantes. Une veille rigoureuse pendant cette période permet de repérer les signes de détresse prolongée et d’intervenir adéquatement.
Deux outils pour passer à l’action
Deux nouvelles fiches pratiques, élaborées sous la direction de Steve Geoffrion (Université de Montréal, Centre d’étude sur le trauma) avec la collaboration de partenaires experts, dont l’ASSTSAS, l’IRSST, l’APSAM, le CRIUSMM et Santé Québec, soutiennent concrètement les milieux de travail.
- Soutien post-traumatique : une approche adaptée aux travailleuses et travailleurs
Propose des stratégies concrètes et accessibles pour intervenir rapidement après un ÉPT. - Guide d’implantation d’un programme de PSP
Présente les étapes clés pour intégrer durablement les PSP à une culture organisationnelle préventive et pour organiser la formation des personnes qui les offriront.
Ces outils sont conçus pour favoriser un passage à l’action réaliste, mobilisateur et conforme aux principes de la SST.
Un engagement collectif face aux ÉPT
Agir en amont des ÉPT, implanter un programme de PSP, c’est affirmer que la santé et la sécurité psychologiques font pleinement partie des responsabilités en milieu de travail. Il ne s’agit pas seulement de réagir après coup, mais d’intégrer durablement la prévention dans une culture organisationnelle. Adopter ce programme implique un travail collectif que les employeuses et employeurs, les gestionnaires et les travailleuses et travailleurs doivent accomplir conjointement. Cela permet de soutenir les personnes et les équipes exposées tout en répondant aux exigences de la LSST.
Pour en savoir plus
Fiches sur les premiers soins psychologiques :
- Les premiers soins psychologiques : une approche adaptée aux travailleurs pour le soutien post-traumatique
- Premiers soins psychologiques : Guide d’implantation pour un programme de premiers soins psychologiques
Webinaire sur les premiers soins psychologiques avec Steve Geoffrion le 16 avril 2025