Bonifier le soutien à la suite d’événements traumatiques

Par GUY SABOURIN

25 juillet 2023

Photo : Istock

Quiconque intervient en centre jeunesse se trouve régulièrement exposé à des événements potentiellement traumatiques (EPT). Il peut s’agir d’actes violents subis directement ou indirectement, comme être témoin de violence envers une ou un collègue ou entre jeunes.

Les conséquences psychologiques des EPT telles que l’anxiété, l’insomnie, la dépression et les symptômes de stress post-traumatique, et les répercussions d’ordre professionnel, comme la baisse de productivité et de satisfaction au travail, l’absentéisme et le changement d’emploi, touchent bon nombre des personnes exposées à ces événements. « Il faut prendre cette situation très au sérieux, car il y a risque que des individus quittent la profession et exposent les centres jeunesse et la société à une situation déplorable », explique Stéphane Guay, directeur du Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, professeur titulaire à l’Université de Montréal et auteur, avec trois collègues, de l’étude intitulée Analyse prospective de l’adaptation des travailleurs en centre de protection de l’enfance et de la jeunesse exposés à un événement potentiellement traumatique, disponible sur le site Web de l’IRSST.

À des fins comparatives dans un devis longitudinal d’une durée d’un an, l’équipe de recherche a divisé en trois cohortes les 176 personnes participant à l’étude : un premier groupe ayant eu recours au soutien d’un pair aidant de l’équipe d’intervention post-traumatique (EIPT) mis en place au Centre de protection de l’enfance et de la jeunesse (CPEJ) du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal (36 personnes), un deuxième groupe du même CPEJ n’ayant pas utilisé le service (67 personnes), et le troisième groupe, de la Montérégie Est, où ce service n’est pas offert (73 personnes).

L’étude de Stéphane Guay visait d’abord à évaluer les effets à court, à moyen et à long termes du soutien des pairs aidants en comparant l’évolution des cohortes qui l’ont utilisé ou pas. L’équipe de recherche a aussi formulé trois objectifs supplémentaires, soit découvrir ce qui pouvait être modifié dans le milieu de travail pour améliorer le rétablissement des victimes, connaître les motifs du recours et du non-recours au soutien d’un pair aidant et enfin, explorer les besoins de soutien des travailleuses et travailleurs exposés à un EPT.

De manière globale, les scientifiques n’ont trouvé aucune différence significative au chapitre des variables de santé mentale et du fonctionnement professionnel entre les personnes ayant eu recours au soutien de pairs aidants et celles ne l’ayant pas utilisé, et ce, peu importe le temps de mesure. « Le soutien au personnel touché par un EPT n’a pas suffi à atténuer significativement les conséquences négatives des actes subis, explique Stéphane Guay. Ce n’est pas parce que ce soutien n’était pas bien conçu, mais apparemment parce qu’il a été dilué à travers d’autres défis accentués par la réforme de la santé. Des barrières organisationnelles, comme la charge de travail élevée, briment entre autres ce soutien. »

La confiance en sa capacité à composer avec l’agressivité de la clientèle fut la variable de travail modifiable dominante. « Cette composante est un véritable facteur de protection, explique Stéphane Guay. Les personnes intervenantes nous ont expliqué que le soutien pourrait aussi leur être offert en amont, afin qu’elles se sentent préparées à affronter les EPT avec une plus grande confiance en leur capacité à composer avec l’agressivité. »

L’encouragement d’une ou d’un collègue à demander le soutien d’un pair aidant de l’EIPT ou le fait d’y avoir déjà eu recours constituent des facteurs pouvant inciter à recourir à ce service, que certains individus utilisent également de manière préventive. Parmi les facteurs de non-recours au soutien des pairs aidants figurent la perception d’un manque d’efficacité, l’accès à d’autres sources de soutien (superviseure ou superviseur, collègues, conjointe ou conjoint, psychologue), l’absence de cette offre de service ou le manque d’information.

Au cours des entrevues de chacune des trois cohortes, les participantes et participants ont exprimé le besoin prévalent d’être soutenus par leur superviseure ou superviseur et leurs collègues. « Dans les semaines et les mois ayant suivi l’EPT, plusieurs personnes ont manifesté leur intérêt à recevoir du soutien émotionnel de la part de leur superviseur et un temps d’échange pour apprendre de l’EPT, explique Stéphane Guay. En plus du soutien des collègues, elles ont exprimé le besoin d’un soutien concret, par exemple dans la gestion des jeunes agressifs. Elles veulent aussi recevoir de l’information et être encouragées à chercher de l’aide. Malheureusement, plusieurs participantes et participants n’ont pas bénéficié du soutien attendu de la part du superviseur ou des collègues en raison d’un manque de temps relié aux conditions de travail. »

Améliorer les modalités

À la lumière de cette recherche, Stéphane Guay et ses collègues dégagent des recommandations susceptibles d’améliorer l’offre et la qualité du soutien par les pairs aidants. Ce service doit être maintenu et surtout, amélioré ; il devrait offrir davantage de modalités d’intervention couvrant un éventail de besoins élargi.

Gestionnaires, supérieures et supérieurs immédiats devraient être mieux outillés pour soutenir les personnes ayant été exposées à un EPT. Des mesures de soins autoadministrés numériques pourraient également y être intégrées. L’accès à des traitements spécialisés des symptômes de stress post-traumatique et de troubles connexes pourrait aussi être amélioré.

Recevoir l’aide d’un pair dans un petit CPJE où tous se connaissent n’est pas l’idéal, selon Stéphane Guay. C’est pourquoi il recommande aussi la création d’une structure d’aide inter- CPEJ, une sorte d’équipe centralisée de pairs aidants desservant tout le territoire, notamment au moyen des Zoom, Teams et compagnie. « Ce n’était pas envisageable avant la pandémie, alors que maintenant c’est tout à fait possible », conclut le chercheur.

Pour en savoir plus

Rapport de recherche : irsst.info/r-1168

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