Une nouvelle étude de l’IRSST dresse un portrait des coûts des lésions psychologiques liées au travail au Québec.

Combien coûtent les lésions psychologiques ?

Par Maxime Bilodeau

23 juillet 2024

Elles sont invisibles, mais non moins réelles. Les lésions psychologiques liées au travail ont considérablement augmenté au Québec ces dernières années, comme dans le reste du Canada. En cause : des milieux où les travailleurs et travailleuses sont exposés à des situations qui posent souvent des risques pour leur santé mentale, comme une charge de travail excessive, l’insécurité d’emploi et le harcèlement psychologique.

Depuis sa modernisation en 2021, la Loi sur la santé et la sécurité du travail oblige d’ailleurs les entreprises à prendre des mesures pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité psychique de leur personnel. Le Québec est ainsi devenu la première législation canadienne à intégrer la notion d’intégrité psychique dans sa loi.

« Les milieux de travail se préoccupent de plus en plus de la santé mentale de leur main-d’œuvre », confirme Martin Lebeau, professionnel scientifique et économiste à la Direction de la recherche de l’IRSST. Cet intérêt s’explique en partie par les longues durées d’indemnisation que génèrent les lésions psychologiques liées au travail, lesquelles deviennent ainsi plutôt coûteuses.

On connaît mal cependant la nature exacte de ces coûts. Impossible, par exemple, de savoir quels types de lésions psychologiques sont les plus onéreux. Même chose pour les industries et professions qui présentent les coûts les plus élevés à cet égard, dont on ignore l’identité. « C’est pourquoi nous avons décidé de brosser un portrait statistique de ces coûts », explique l’économiste.

Près de la réalité

Avec Jaunathan Bilodeau et Marc-Antoine Busque, aussi de l’IRSST, Martin Lebeau a utilisé une méthode d’analyse élaborée et peaufinée au cours de recherches précédentes. Il s’agissait en somme d’estimer les frais médicaux, les salaires, la productivité perdue, les dépenses administratives et les coûts humains qui découlent des lésions professionnelles de nature psychologique en 2014 et 2019.

Les données primaires proviennent de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). « Il est important de souligner que les coûts estimés ne sont pas les frais et les indemnités versés par la CNESST. Il s’agit plutôt des coûts financiers et humains générés par les lésions. Certains de ces coûts sont intangibles. Ils sont estimés à partir d’une méthodologie développée à l’IRSST », précise Martin Lebeau. L’équipe a étudié les lésions du groupe classé « Trouble et syndrome mental », qui comporte autant les états dépressifs et les cas d’épuisement professionnel que les chocs nerveux. Les lésions psychologiques consécutives à une lésion physique en sont cependant exclues.

« Ce calcul représente une estimation globale, quoique incomplète de l’impact humain et financier des lésions professionnelles déclarées à la CNESST, puis acceptées », précise Martin Lebeau. Cette évaluation sous-estime donc les coûts réels des lésions psychologiques liées au travail. « Des éléments comme les frais de gestion de dossier à l’intérieur des entreprises ne sont pas pris en compte », illustre-t-il.

Les coûts obtenus aux termes de ce calcul sont néanmoins assez représentatifs, c’est-à-dire proches de la réalité, une nuance cruciale pour interpréter les résultats. « Nous nous intéressons davantage aux différents classements produits basés sur les coûts qu’à la valeur des montants estimés », affirme Martin Lebeau.

Plus coûteux pour les PME

L’augmentation rapide des coûts reliés aux lésions psychologiques de 2014 à 2019, soit de l’ordre de 195 % sur cinq ans, a surpris les scientifiques. « Nous savions que c’était à la hausse, mais pas de manière aussi marquée », commente Martin Lebeau. La perte de productivité perdue représente à elle seule 59 % des coûts.

En revanche, l’équipe s’attendait au fait que le stress post-traumatique soit la lésion psychologique qui entraîne les coûts les plus élevés. Il en va de même pour les dépressions, qui génèrent le plus important coût moyen par lésion. « Il y a un lien à établir avec la durée de ces troubles mentaux », indique Martin Lebeau. La durée moyenne d’indemnisation des lésions psychologiques totalise 288 jours durant la période étudiée, lit-on dans le rapport.

Fait intéressant : plus l’entreprise est de taille modeste, plus son coût moyen par lésion psychologique s’avère élevé, et vice-versa, ce qui peut s’expliquer notamment par la difficulté des PME à réintégrer du personnel accidenté à un autre poste le temps qu’il se rétablisse. L’industrie des soins de santé et de l’assistance sociale est par ailleurs celle qui entraîne le plus de coûts liés à ces lésions .

« Ce portrait statistique met à jour des tendances à surveiller dans les années à venir en matière de lésions psychologiques liées au travail au Québec, ajoute Martin Lebeau. Ces données ont le potentiel d’orienter à la fois les efforts de prévention auprès de certaines populations de travailleurs et travailleuses et d’alimenter les efforts de recherche à l’IRSST et au-delà. »

Pour en savoir plus

Rapport : Le coût des lésions psychologiques liées au travail au Québec (R-1196-fr)

Chercheurs : Martin Lebeau, Jaunathan Bilodeau et Marc-Antoine Busque, Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail.

IRSST

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