Comment introduire des robots dits « collaboratifs » dans les milieux de travail

Par Guy Sabourin

6 août 2024

Photo : iStock.com/zoranm

Apparus en industrie il y a une quinzaine d’années, les cobots (robots dits « collaboratifs ») peuvent être à l’origine d’accidents lorsqu’ils partagent des espaces de travail avec des humains. En 2021, on en recensait déjà 3,5 millions en activité à travers le monde, avec une croissance moyenne de 14 % par année. Les accidents impliquant des cobots sont toutefois encore peu documentés et la gestion des risques présente donc un réel défi. Ils peuvent être de nature mécanique, électrique, thermique, ou reliés aux radiations, vibrations ou matériaux, ou encore menacer l’ergonomie, par exemple. L’ingénieure Sabrina Jocelyn, chercheuse à l’IRSST, s’est attaquée à la tâche en menant l’étude intitulée Identification en laboratoire des éléments essentiels au processus d’intégration sécuritaire des cellules cobotiques.

Cette étude interdisciplinaire génie-ergonomie s’est inspirée de l’analyse ergonomique de l’activité. Normalement, dans ce contexte, l’analyse se concentrerait sur le travail de l’opérateur ou de l’opératrice, toutefois « L’originalité de notre projet tient au fait que nous avons plutôt braqué le projecteur sur le travail de l’intégrateur, un acteur clé, qui programme, configure, installe et teste la validité de l’ensemble de l’application robotique, qui s’assure aussi que les opérateurs et opératrices soient formés sur son utilisation, explique la chercheuse. Car, en réalité, la sécurité de l’opérateur ou de l’opératrice repose en grande partie entre les mains de l’intégrateur. »

L’étude de Sabrina Jocelyn avait ainsi pour objectif d’identifier les éléments clés qui influencent le processus d’intégration en raison de leur effet sur la gestion de la sécurité des travailleuses et travailleurs.

Quoi considérer

Dans la première étape, les chercheurs et chercheuses ont défini cinq classes d’applications collaboratives en partant de divers scénarios de travail cobots-humains observés en industrie. Il s’agit de cinq types de collaboration, soit directe en alternance, directe d’assistance, indirecte séquentielle, indirecte parallèle, et enfin, le partage occasionnel d’un espace sans collaboration. « La compréhension de ces classes est utile à tout intégrateur voulant démarrer son analyse de risques d’une installation, précise Sabrina Jocelyn. Il doit pouvoir situer où se trouvera le travailleur ou la travailleuse par rapport au poste de travail et dans quel contexte s’inscrit l’intégration qu’il s’apprête à réaliser pour ensuite travailler à la sécurité de l’opérateur ou de l’opératrice. »

La deuxième phase de l’étude a consisté à mener quatre processus d’intégration sécuritaires de cellules cobotiques en laboratoire, à savoir deux tâches industrielles que deux intégrateurs ont chacune mises en œuvre.

Dans un troisième temps, l’équipe scientifique a étudié les éléments dont les intégrateurs ont tenu compte pour prendre leurs décisions relatives à chacun de ces processus d’intégration.

Plusieurs facteurs qui influencent ces processus ont été dégagés de l’analyse. Les plus importants reliés à la tâche sont les contraintes de temps et de cycle de productivité puisqu’ils influent sur la vitesse de déplacement imposée au cobot et, en conséquence, sur la sécurité de l’opérateur ou de l’opératrice qui doit composer avec ce rythme ; le choix du cobot, qui influe sur la précision de la tâche à réaliser et sur l’organisation de la cellule de travail, en plus d’occasionner ou pas un risque de collision avec l’humain ; et enfin, le type de pièce à manipuler et le type d’outil robotique utilisé, qui jouent grandement sur la sécurisation de la cellule de travail, notamment si le cobot ne s’arrête pas à l’approche d’une personne.

Deux autres éléments concernant l’intégrateur lui-même ont été jugés très importants : sa formation en sécurité des machines en général, et en sécurité en cobotique plus précisément, car elle peut agir sur sa capacité à résoudre des problèmes ; les rétroactions relatives à la sécurité ou la productivité reçues de son entourage, qui peuvent remettre en question ses choix initiaux et les modifier.

Enfin, à la lumière des facteurs qui influencent le processus d’intégration, l’étude propose aux intégrateurs en cobotique un outil pour démarrer l’analyse des risques associés à une application collaborative.

Recherche de compromis entre productivité et SST

Cette étude exploratoire non exhaustive a observé la nécessité continuelle de compromis entre les exigences de sécurité, de santé et de productivité. On peut par exemple éloigner l’opérateur ou l’opératrice du cobot pour éviter une collision et, ce faisant, augmenter le risque de troubles musculosquelettiques si la personne doit faire une partie du travail dans une position inconfortable. Si l’on priorise la productivité en poussant le cobot à agir le plus vite possible, on augmente la cadence et la charge cognitive de l’opérateur ou de l’opératrice, avec des conséquences potentielles sur sa santé physique et psychologique.

Comment établir les frontières, où se trouve le juste milieu ? « Il faudra d’autres études pour explorer davantage le triangle sécurité, santé et productivité, repousser les frontières rattachées à ces trois sommets de compromis puis émettre des recommandations précises sur les limites qui doivent être respectées », conclut Sabrina Jocelyn.

Pour en savoir plus

Rapport : Identification en laboratoire des éléments essentiels au processus d’intégration sécuritaire de cellules cobotiques (R-1197-fr)

Chercheuses et chercheurs : Sabrina Jocelyn, Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), Élise Ledoux, Université du Québec à Montréal (UQAM), Damien Burlet-Vienney, IRSST, Isabelle Berger, UQAM, Isvieysys Armas Marrero, UQAM, Chun Hong Law, IRSST, Yuvin Chinniah, Polytechnique Montréal, Abdallah Ben Mosbah, Polytechnique Montréal, Ilian Bonev, École de technologie supérieure (ÉTS), Denys Denis, UQAM, et Laurent Giraud, IRSST.

IRSST

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