Coup d’œil sur le nettoyage et la désinfection des machines agroalimentaires

Par MAXIME BILODEAU

2 mai 2023

Photo : Istock

Le personnel affecté au nettoyage et à la désinfection des mélangeurs, pétrisseurs et autres machines fait face à un dilemme constant : conjuguer l’hygiène alimentaire sans sacrifier sa santé et sa sécurité.

Le secteur agroalimentaire gagne en importance au Québec. On estime que près de 56 000 personnes occupent un poste dans cette industrie, laquelle compte des centaines d’entreprises. Les machines qu’elle utilise génèrent toutefois des risques importants pour la santé et la sécurité de la maind’oeuvre. Cela est tout particulièrement vrai lors du nettoyage et de la désinfection des machines, des activités nécessaires pour détruire les microorganismes pathogènes. Une de ces tâches courantes prévisibles a d’ailleurs causé un décès en 2013, exacerbant ainsi la réputation de « secteur à risque élevé d’accident » que certains attribuent à l’agroalimentaire.

« Les données sur les lésions professionnelles dans ce secteur sont peu détaillées, et il est donc difficile de différencier les accidents entre eux, souligne Laurent Giraud, chercheur à l’IRSST. On ne peut ainsi pas affirmer avec certitude s’ils sont survenus lors de la phase de production ou de nettoyage. » N’empêche, il y a lieu de croire que le personnel affecté au nettoyage et à la désinfection des machines industrielles du milieu agroalimentaire peut parfois mettre son intégrité physique à risque. « Pour nettoyer tous les recoins et les surfaces éloignées, il doit par définition accéder à des zones dangereuses. Or, cela peut contrevenir aux principes élémentaires de sécurité des machines », expose-t-il.

Le chercheur et ses collègues de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), en France, et de Polytechnique Montréal ont mené une étude exploratoire pour documenter ce dilemme entre efficacité et sécurité. L’équipe scientifique s’est entre autres intéressée aux liens, nombreux, entre la conception des machines agroalimentaires et les activités de nettoyage et de désinfection. « Celles-ci sont insuffisamment prises en considération lors de la mise en place du processus de production. On oublie souvent ces étapes, qui sont pourtant cruciales », mentionne Laurent Giraud.

Des risques nombreux

Cette analyse s’articule autour d’entrevues semi-dirigées avec des préposées et préposés au nettoyage et à la désinfection, des contremaîtres, des responsables de la SST, etc., ainsi que de visites réalisées dans huit usines situées au Québec et en France. Ces démarches ont été précédées d’une revue des accidents survenus dans ce secteur, effectuée grâce à une base de données française. Le but : déterminer les événements attribuables aux activités de nettoyage et de désinfection des machines et mieux caractériser leur nature. Cette analyse a révélé qu’une intervention en cours de fonctionnement, un risque inhérent à la conception des machines et une formation insuffisante sont les facteurs de risques qui causent des accidents.

Les entretiens et observations en entreprise brossent un portrait plus précis des exigences reliées à l’entretien de machines agroalimentaires, soit prélavage, frottage, rinçage… « Ce personnel réalise les tâches la nuit, dans un contexte d’urgence et de constants changements, caractéristiques de l’industrie agroalimentaire. Bien qu’on lui en demande beaucoup, on ne considère pas toujours son travail à sa juste valeur, ce qui peut occasionner un fort taux de roulement », explique Laurent Giraud. Face à des difficultés de recrutement récurrentes, il n’est pas rare de recourir à des travailleuses et travailleurs d’agences temporaires.

Plusieurs situations dangereuses pour la santé et la sécurité de cette main-d’oeuvre ont été relevées. Les risques sont aussi bien chimiques, biologiques, mécaniques, physiques et psychosociaux qu’attribuables au non-respect des principes ergonomiques. « L’équipement est fait pour produire, pas pour être nettoyé », a d’ailleurs témoigné un des sujets interviewés. L’ajout de protecteurs démontables sur les machines, loin de tout régler, apporte plutôt de nouvelles contraintes à celles qui existent déjà : plus de surfaces à nettoyer, postures de travail moins libres, efforts accrus, pression temporelle exacerbée, et ainsi de suite.

De meilleures machines ?

Bien qu’exploratoire, cette étude permet néanmoins de tirer certaines conclusions quant aux moyens de réduire les risques que présentent les phases de nettoyage et de désinfection des machines du domaine agroalimentaire. « Il faut penser à ces réalités dès la conception des machines, par exemple en y incluant des surfaces autonettoyantes ou des protecteurs plus facilement démontables. Une bonne performance lors de la production est inutile si une machine est exagérément difficile à assainir par la suite », affirme Laurent Giraud, qui aimerait d’ailleurs davantage de recherche à ce sujet, notamment en ce qui a trait au travail du personnel affecté à ces tâches.

Pour en savoir plus

Rapport : irsst.info/r-1152

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