Un couvreur fait une chute mortelle
Par Geneviève Chartier
7 octobre 2025

Illustration : Jean-Philippe Marcotte
Alors que plusieurs couvreurs s’affairent à la réfection de la toiture d’un bâtiment industriel, l’un d’eux met le pied dans une ouverture laissée béante après le retrait de boîtes de ventilation condamnées. Il fait alors une chute de plusieurs étages à l’intérieur du bâtiment et, malheureusement, en décède. Pourquoi cette tragédie est-elle arrivée? Comment aurait-elle pu être évitée?
Que s’est-il passé?
En juin 2024, des couvreurs travaillent à la réfection d’une toiture en membrane élastomère. Ils retirent la première couche de la toiture en asphalte et en gravier ainsi que vingt boîtes de ventilation condamnées, puisqu’elles ne sont plus utilisées. Ils créent ainsi des ouvertures sur le toit.
Une fois les boîtes enlevées, les travailleurs doivent poser des éléments de toiture taillés sur mesure pour fermer les ouvertures de façon permanente et ainsi assurer l’étanchéité du toit. Les éléments enlevés sont évacués à l’aide d’un camion-grue stationné à l’avant du bâtiment.
Durant le retrait de sept boîtes de ventilation, les travailleurs installent des recouvrements temporaires avec des objets qu’ils ont sous la main ou permanents sur quatre de ces ouvertures. Les trois autres ouvertures ne sont donc pas recouvertes immédiatement. Il est important de préciser que de tels recouvrements temporaires présentent un danger, car ils ne sont pas fixés. Les travailleurs utilisent des mini-chargeurs pour retirer les boîtes de ventilation condamnées et les transporter jusqu’à la zone de levage, située dans la section sud-ouest de la toiture. C’est à ce moment que le travailleur qui sera victime de l’accident, opérateur d’un mini-chargeur, quitte son poste et circule librement sur la toiture pour attacher la charge à soulever en vue de son transfert vers le camion-grue. Le levage de la charge commence.
Toutefois, en prenant un pas de recul, le travailleur met le pied dans l’une des ouvertures non recouvertes et fait une chute de 7,6 mètres à l’intérieur du bâtiment. Son collègue est témoin de la scène et alerte les autres personnes sur le chantier. Plusieurs se précipitent à l’intérieur de la bâtisse pour porter secours au travailleur. Les premiers répondants sont appelés sur-le-champ. À leur arrivée, ils constatent malheureusement son décès.
Qu’aurait-il fallu faire?
L’ouverture du toit dans laquelle le travailleur est tombé n’était ni fermée au moyen d’un couvercle résistant ni protégée par des garde-corps. C’est l’absence de ces mesures de protection, lors du retrait des boîtes de ventilation, qui a provoqué cette chute de 7,6 mètres de hauteur jusqu’au sol du bâtiment.
Pourtant, le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) est clair : les ouvertures dans le toit doivent être protégées soit par un couvercle ayant une résistance spécifique, soit par des garde-corps installés en périphérie. Le CSTC précise aussi que, si un garde-corps ne peut être installé en bordure du vide d’une ouverture parce qu’il gênerait le travail, l’aire doit être délimitée de manière à empêcher l’accès aux personnes qui ne participent pas directement aux travaux. De plus, le port d’un harnais de sécurité relié à un système d’ancrage par une liaison d’arrêt de chute est obligatoire pour tout travailleur accédant à l’aire de travail, conformément aux articles 2.10.12 et 2.10.15 du CSTC.
Il est à noter qu’aucune directive écrite ou verbale n’a été donnée par l’employeur sur le chantier afin de prévenir les travailleurs des risques de chute liés au retrait des boîtes et à la présence subséquente d’ouvertures sur le toit. L’employeur disposait d’un programme de prévention permettant d’identifier le risque de chute en hauteur, notamment en présence d’ouvertures dans le plancher ou sur le toit. Toutefois, ce programme ne prévoyait aucune méthode de travail spécifique pour le retrait d’éléments créant des ouvertures sur le toit et exposant les travailleurs à un risque de chute de plus de trois mètres.
Faute d’instructions précises, les travailleurs ont improvisé une méthode de retrait et de recouvrement des ouvertures. Certaines ouvertures ont été laissées à découvert, tandis que d’autres ont été recouvertes par des éléments non fixes, comme des palettes de bois et des rebuts, ce qui représente un danger. Comme les travailleurs ont mis en œuvre plusieurs moyens aléatoires pour recouvrir les ouvertures avec le matériel à leur disposition, ils n’ont malheureusement pas pu identifier correctement le risque de chute et prévenir l’accident.
Personne-ressource : Pierre Privé, coordonnateur aux enquêtes, Direction générale de la gouvernance et du conseil stratégique en prévention à la CNESST
Enquête réalisée par : Claudia Bernard et Claudine Michaud, de la CNESST
Illustration : Jean-Philippe Marcotte