Deux travailleurs sont blessés lors de l’effondrement d’une structure
Par Geneviève Chartier
19 mars 2024
Illustration : Jean-Philippe Marcotte
En novembre 2022, huit travailleurs installent des fermes de toit sur les murs d’un garage sur le chantier de construction de l’aéroport de Charlevoix. Lors de l’installation de la 25e ferme de toit, un effondrement se produit et entraîne la chute de deux travailleurs sur une hauteur de plus de six mètres, provoquant des blessures graves à l’un d’eux.
Que s’est-il passé?
Les travaux de construction en cours depuis septembre 2022 visaient à construire un garage devant servir à entreposer de la machinerie sur le site de l’aéroport. Le jour de l’accident, des travaux de charpenterie étaient en cours. Les murs extérieurs du garage étant érigés, les travaux consistaient à installer les fermes de toit sur la structure du bâtiment. Il est à noter qu’il était initialement prévu que les travailleurs installent des contreventements temporaires tels que des liens continus et des « croisillons » à temps perdu entre l’installation de deux fermes de toit, mais la pose des contreventements n’a finalement pas suivi la cadence d’installation des fermes.
Alors qu’ils installaient la 25e ferme, des travailleurs ont observé que les fermes penchaient vers la façade avant. Les deux travailleurs qui se trouvaient à l’intérieur des fermes de toit se sont alors rendus à l’arrière du bâtiment afin de redresser les fermes en posant des liens continus sous les membrures supérieures. Entre-temps, un autre travailleur a grimpé à l’intérieur des fermes de toit pour remplacer des espaceurs fendus ou décloués à proximité de la 22e ferme.
Alors qu’il s’apprêtait à poser un nouvel espaceur, les quatre dernières fermes de toit ont déversé vers l’avant du bâtiment et se sont appuyées sur la plateforme. Son collègue situé dans la plateforme les a alors repoussées. Il s’en est suivi un effet domino qui a entraîné l’effondrement de 19 des 25 fermes jusqu’au sol. Deux des trois travailleurs situés dans les fermes ont été entraînés par l’effondrement, alors que le troisième a été en mesure de se réfugier à temps à l’intérieur des six fermes ayant résisté. Les travailleurs ayant réussi à fuir l’effondrement ont dégagé les blessés des décombres et ces derniers ont été évacués du chantier par ambulance.
Qu’aurait-il fallu faire?
Tout d’abord, il importe de préciser que l’une des causes de l’accident est la méthode de travail utilisée pour la construction de la charpente du toit, qui était dangereuse puisqu’elle n’assurait pas la stabilité des fermes de toit pendant leur installation. Dans ces circonstances, une légère charge additionnelle, comme des travailleurs circulant à l’intérieur des fermes, une bourrasque ou le déplacement d’une ferme, peut suffire à déséquilibrer la charpente et à entraîner son effondrement. Dans le cas présent, le contreventement insuffisant et ses caractéristiques (clouage, positionnement, etc.), combinés à d’autres éléments comme la circulation de travailleurs à l’intérieur de la charpente, ont mené à la surcharge, au flambage, puis à l’effondrement des fermes de toit.
Il est également à noter qu’aucun plan, devis ou directive d’une ingénieure ou d’un ingénieur n’avait été émis concernant le contreventement temporaire des fermes de toit. Or, il s’agit d’un ouvrage assujetti à la Loi sur les ingénieurs. Ainsi, il doit être réalisé suivant l’avis d’une ingénieure ou d’un ingénieur, ce qui n’a pas été le cas dans l’accident qui nous occupe. En effet, le contreventement temporaire des fermes de toit et les fermes elles-mêmes constituent une structure temporaire ou permanente qui nécessite des études de propriétés des matériaux qui la composent ou la supportent.
Afin d’éviter un tel accident du travail, on aurait dû veiller à ce que l’installation et le contreventement temporaire des fermes de toit respectent les règles de l’art suivantes : privilégier une méthode de travail où les fermes de toit sont assemblées et contreventées au sol avant d’être soulevées par une grue à l’aide d’un cadre de levage; éviter de circuler ou de déposer une charge sur les fermes de toit qui ne sont pas contreventées; installer les contreventements prescrits dans l’avis d’ingénieur au fur et à mesure de l’installation de la structure et utiliser des pièces de bois, minimalement des 2 x 4, pour tous les types de contreventements temporaires. Il est à noter que ces règles ne remplacent pas l’avis d’une ingénieure ou d’un ingénieur.
Enquête réalisée par : Véronique Dansereau et Pierre D’Amours, inspecteurs à la CNESST
Pour accéder au rapport d’enquête : ed004385.pdf (gouv.qc.ca)