La maladie de Lyme : les nouveautés à connaître
Par Paul Therrien
10 juin 2025
Photo : 24K-Production/Shutterstock.com
Depuis une dizaine d’années, au Québec, la tique transmettant la bactérie qui cause la maladie de Lyme émerge dans plusieurs régions, et les nouvelles infections se comptent maintenant par centaines chaque année. En raison des changements climatiques en cours, les risques d’infection pourraient se multiplier, ce qui aura une incidence sur la santé et la sécurité des personnes qui travaillent dans la nature. Nous avons discuté des questions liées à la prévention et à l’indemnisation de cette maladie avec des expertes de l’INSPQ et de la CNESST.
Les changements climatiques créent des conditions idéales pour la propagation de la maladie de Lyme, une zoonose (maladie transmise des animaux aux humains) sous surveillance au Québec depuis le début des années 1990. En raison de l’augmentation des températures, les gens peuvent en être infectés partout dans le sud du Québec et même dans les régions plus nordiques comme le Saguenay, l’Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord. Le temps plus doux a aussi allongé la période d’activité des tiques. Alors qu’elles étaient auparavant présentes de mai à octobre, elles sont maintenant actives même en hiver, quand les températures sont au-dessus de 4 degrés Celsius.
Il y a une douzaine d’espèces de tiques au Québec, mais la porteuse principale de la maladie de Lyme est la tique à pattes noires, aussi connue chez nous sous le nom de « tique du chevreuil ». La tique est un acarien parasite se nourrissant du sang de certains oiseaux et mammifères, dont les humains. Au printemps, après la fonte des neiges, les tiques commencent leurs activités de parasitage. Elles ne sautent pas sur leur victime, mais attendent plutôt patiemment dans la végétation pour s’accrocher sur un animal de passage. Lorsqu’une tique consomme le sang d’un animal infecté par la bactérie borrelia burgdorferi, elle devient un vecteur de transmission et peut transmettre la maladie de Lyme à un autre hôte. L’instance responsable de la surveillance de cette tique est l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Chaque année, elle met à jour des cartes détaillées indiquant la zone endémique pour la maladie de Lyme.
« Il y a une progression de la tique vers le nord, et un peu plus vers l’est et l’ouest du Québec, de sorte que plus de personnes pourraient être en contact avec des tiques infectées, confirme Kirsten Crandall, conseillère scientifique spécialisée en zoonoses à l’INSPQ. Les tiques ne peuvent pas se déplacer par elles-mêmes; elles sont transportées par de petits mammifères et des cerfs de Virginie sur plusieurs kilomètres chaque année. Les oiseaux migrateurs sont les animaux qui influencent les plus gros mouvements de tiques à pattes noires. »
La transformation des terres est un autre facteur qui favorise la répartition des populations de tiques. Par exemple, le déboisement et la conversion de forêts en milieux agricoles créent des boisés, habitats favorables aux tiques. « On voit ce phénomène surtout au sud de la province, explique Kirsten Crandall. Lorsque les tiques se trouvent concentrées dans de petits boisés, le risque que la bactérie causant la maladie de Lyme y soit présente est plus grand. » Tous ces facteurs font que les régions les plus à risque sont l’Estrie, la Montérégie, l’Outaouais et la grande région de Montréal.
Des conseils à suivre
Les personnes dont les principales tâches sont effectuées en plein air sont les plus à risque de se faire piquer par une tique et d’attraper la maladie de Lyme. On compte parmi elles les travailleuses et les travailleurs forestiers, les biologistes, les agents de la faune, les paysagistes, les agriculteurs, etc. « Toutes les personnes travaillant à l’extérieur qui sont en contact avec des environnements propices aux tiques à pattes noires, comme la forêt, les herbes hautes, les boisés, les jardins et les feuilles mortes, sont à risque », indique Marianne Picard-Masson, médecin spécialiste en santé publique et en médecine préventive à l’INSPQ.
Elle donne aussi des conseils à suivre avant, pendant et après le travail pour empêcher une piqûre potentiellement nocive pour la santé. Ainsi, avant de se diriger vers un milieu naturel à risque, on doit porter des vêtements qui couvrent le plus de peau possible. On choisit de préférence des couleurs claires, qui permettent de repérer plus facilement les tiques, et on porte des souliers fermés. Il est aussi recommandé de glisser nos bas de pantalon dans nos chaussettes et de se prémunir d’un bon chasse-moustiques à base de DEET, qu’on applique sur le cou, les mains et le visage.
Pendant qu’on effectue le travail, dans la mesure du possible, il importe de rester loin des environnements propices aux tiques et de prendre des pauses à l’occasion afin d’inspecter ses vêtements et d’enlever les tiques qui auraient pu s’y accrocher. Enfin, il y a une routine à suivre après le travail, lorsqu’on rentre chez soi : on enlève ses vêtements et on les met dans la sécheuse, au cycle le plus chaud. Il est aussi recommandé de prendre un bain ou une douche et d’examiner sa peau dès que possible. Il faut savoir que les tiques ont tendance à se loger au niveau des cuisses, de l’aine, du tronc, des aisselles et du cuir chevelu ainsi que dans les plis cutanés. Si une tique est présente, il faut l’extraire doucement de la peau à l’aide d’une pince à pointe fine : il faut attraper la tique au plus près de la peau et la tirer d’un seul coup dans un mouvement vertical, en prenant soin de ne pas écraser son corps.
« Les personnes dont les principales tâches sont effectuées en plein air sont les plus à risque de se faire piquer par une tique et d’attraper la maladie de Lyme. »
Et si j’ai été piqué?
Dans le cas où on a subi une piqûre de tique, il y a un protocole important à suivre, selon Marianne Picard-Masson. « On nettoie le site de la piqûre et on appelle Info-Santé (811) pour connaître la démarche à suivre, dit l’experte. Ensuite, on place la tique dans un contenant hermétique au réfrigérateur et on prend en note l’heure, la date et l’endroit où la piqûre est survenue. Il faut aussi informer son employeur, qui consignera l’événement dans le registre d’incidents en santé et sécurité du travail. » D’ailleurs, le site de l’INSPQ contient de l’information au sujet des zoonoses et de la tique à pattes noires à l’intention des employeurs, des travailleuses et des travailleurs. Toutefois, il importe de prendre en compte qu’il peut aussi arriver que la maladie de Lyme soit transmise sans qu’une tique soit trouvée sur la victime. « Voilà pourquoi il faut contacter Info-Santé ou consulter rapidement un médecin à la suite d’un passage en forêt ou dans un milieu propice aux tiques dans les dernières semaines et qu’on commence à avoir des symptômes qui ressemblent à ceux d’une grippe », ajoute Kirsten Crandall.
L’admissibilité à l’indemnisation
À la suite de l’adoption de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, la parasitose et la bactérie borrelia burgdorferi se retrouvent sur la liste des maladies et des conditions particulières aux fins de l’application de la présomption de maladie professionnelle. Ainsi, une personne dont le travail implique un contact avec le parasite portant la bactérie borrelia burgdorferi peut bénéficier de l’application de la présomption de maladie professionnelle en démontrant qu’il est atteint de la parasitose (maladie de Lyme).
Carolanne Bourdua, conseillère en recherche et développement à la CNESST, nous explique : « Cela concerne les personnes qui travaillent dehors, dans les milieux forestiers, en agriculture et en aménagement paysager. À la suite d’un diagnostic de maladie de Lyme, la personne doit remplir un formulaire pour y décrire comment ses tâches l’ont exposée à cette infection. Toutes les réclamations sont analysées au cas par cas, mais la présomption s’applique : la travailleuse ou le travailleur n’a pas à fournir la preuve ni à démontrer que le diagnostic de maladie de Lyme est en lien avec son travail. »
Les délais à respecter
La condition particulière en lien avec la parasitose est d’avoir exercé un travail impliquant des contacts avec des humains, des animaux ou du matériel contaminés par des parasites, tels les sarcoptes scabiei, le pediculus humanus et la borrelia burgdorferi. Un travailleur ou une travailleuse a six mois à partir de la date à laquelle il a connaissance qu’il est atteint de la maladie pour faire sa réclamation auprès de la CNESST.