Lésions professionnelles : qu’en est-il des travailleuses et travailleurs immigrants ?

Par Maxime Bilodeau

19 novembre 2024

Photo : Stock photo ID:2153090566

Une recherche inédite adopte une perspective intersectionnelle pour comprendre la problématique des accidents du travail chez les personnes immigrantes et pour cibler des interventions visant à réduire leur risque.

Les personnes immigrantes sont-elles plus à risque de subir des lésions professionnelles ? Oui et non, répond d’emblée Jaunathan Bilodeau, professionnel en connaissance et surveillance statistique à la Direction de la recherche de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) et professeur associé à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal.

« Il n’y a pas de consensus dans la littérature scientifique à ce sujet, affirme-t-il en entrevue. Des études accréditent cette thèse alors que d’autres la rejettent. »

D’un côté, plusieurs travaux font état du fait que les membres de cette population occupent plus fréquemment des emplois précaires et risqué que les personnes non immigrantes. De l’autre, des recherches avancent plutôt que les accidents du travail touchent davantage les immigrantes et immigrants nouvellement arrivés.

Chose certaine, la proportion d’immigrants et d’immigrantes dans la population active connaît une forte croissance au Québec, passant de 10,9 % en 2006 à 19,2 % en 2021, selon Statistique Canada. Malgré l’abondante littérature scientifique portant sur les défis rencontrés par les personnes issues de l’immigration en matière de santé et de sécurité du travail, les chercheurs à l’IRSST ont constaté une absence de littérature portant sur les risques de lésions professionnelles subies par la population immigrante en emploi au Québec.

Corriger le tir

Face à ce constat, une équipe de recherche de l’IRSST, composée de Jaunathan Bilodeau et de ses collègues Marc-Antoine Busque, Martin Lebeau et Daniel Côté, a entrepris de brosser le premier portrait statistique des lésions professionnelles acceptées parmi la main-d’œuvre immigrante admise au Québec depuis 1980. L’un de ses buts était notamment d’identifier les caractéristiques sociodémographiques de cette population et de ses emplois associés à la présence et à la gravité de lésions professionnelles. Plus simple à dire qu’à faire.

« La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) ne compile pas de données sur le statut d’immigration, raconte-t-il. Pour arriver à nos fins, nous avons donc réalisé un appariement couplant des données du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration ainsi que de la Régie de l’assurance maladie du Québec à celles de la CNESST. » Des données de recensement et de l’Enquête sur la population active ont complété le portrait.

Des disparités importantes

À l’issue de leurs analyses, les scientifiques ont d’abord constaté que les personnes immigrantes présentent des caractéristiques propres, susceptibles d’influer sur leur risque de subir un accident au travail. La CNESST a accepté ces dernières années une proportion croissante de lésions ayant touché des membres de cette population.

« Des différences significatives au point de vue statistique émergent lorsqu’on divise les personnes immigrantes selon la durée depuis leur admission au Québec et leur âge, analyse Jaunathan Bilodeau. De manière générale, celles admises il y a moins de cinq ans présentent ainsi un risque d’accident plus élevé que celles admises depuis plus longtemps et plus particulièrement celles âgées de 35 à 54 ans. » Le risque tend à se rapprocher de celui de la population non immigrante alors qu’augmente le nombre d’années passées au pays depuis leur admission.

La population immigrante demeure néanmoins plus à risque de subir un accident du travail d’une durée d’indemnisation supérieure à 90 jours, ce qui correspond à une lésion professionnelle grave, et ce, peu importe la durée depuis son admission au Québec. « Cette relation subsiste même si on ajuste le modèle pour tenir compte du sexe, des groupes d’âge, de l’industrie et de la catégorie professionnelle, indique le scientifique. Cela est inusité relativement à ce à quoi on s’attendait. »

L’ensemble de ces résultats souligne l’importance de s’intéresser également au nombre d’années depuis l’admission plutôt que simplement le statut d’immigration pour prédire les accidents du travail. « Accentuer les efforts de préventions et privilégier une formation qui comprend des éléments de santé et de sécurité au travail dès l’embauche auprès des membres de cette population m’apparaissent comme des incontournables pour éviter que ces derniers soient surreprésentés dans les statistiques d’accident du travail », conclut Jaunathan Bilodeau.

Pour en savoir plus

Rapport : Portrait statistique des lésions professionnelles chez les immigrants au Québec (S-1202-fr)

Chercheurs : Marc-Antoine Busque, Jaunathan Bilodeau, Martin Lebeau et Daniel Côté, Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail.

IRSST

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