Mieux estimer les contraintes biomécaniques responsables de certaines lombalgies

Par MAXIME BILODEAU

21 mai 2024

Photo : iStock.com/PeopleImages

Une équipe de recherche financée par l’IRSST pave la voie à un meilleur modèle musculosquelettique hybride pour la prévention et la réadaptation des douleurs lombaires.

Nombre de travailleurs et de travailleuses souffrent de lombalgies. Ces lourdeurs, raideurs, douleurs aigües, blocages, sensations de brûlures et autres fourmillements au bas du dos touchent plus de quatre personnes salariées sur cinq au cours de leur vie. Les contraintes imposées sur les disques, vertèbres, muscles et ligaments au niveau lombaire, comme la manutention manuelle de charges, constituent un facteur de risque important de ces maux de dos.

Il est nécessaire de mieux connaître la manière dont ces forces se distribuent en contexte de travail, autant pour la prévention des lombalgies que pour la réadaptation. Plus simple à dire qu’à faire ; mesurer leur répartition sur les structures internes de la colonne, comme les disques intervertébraux qui jouent un rôle d’amortisseurs, exigerait des moyens techniques considérables, et surtout, éthiquement inacceptables. Il faudrait par exemple profiter d’une chirurgie de la colonne vertébrale pour insérer des jauges de contrainte le long des tendons ou ligaments, ou encore remplacer un disque intervertébral par une petite plateforme de forces, ce qui serait beaucoup trop risqué, coûteux et bien peu pratique. Une solution applicable à tous les travailleuses et travailleurs s’avère de loin préférable.

La modélisation musculosquelettique personnalisée selon l’anatomie des individus, au moyen d’un ensemble d’équations mathématiques, offre ainsi une solution des plus intéressantes. « Cela permet d’estimer de manière convenable les charges sur la colonne vertébrale en fonction des stratégies individuelles de mouvement et d’activation des muscles du tronc », explique Christian Larivière, biomécanicien et chercheur senior à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST).

Il s’agit dans les faits de se fier à la fois à des données répertoriées dans la littérature scientifique et à des notions théoriques de biomécanique pour adapter les propriétés des structures internes de la région lombaire en fonction du sexe, de l’âge, du poids et de la taille de l’individu. À cela devraient s’ajouter les courbures lombaires et thoraciques, une caractéristique « rarement prise en compte », souligne le spécialiste du développement d’outils d’évaluation des fonctions neuromusculaires du tronc.

Il se trouve que deux chercheurs financés par l’IRSST, Aboulfazl Shirazi-Ald, de Polytechnique Montréal, et Denis Gagnon, de l’Université de Sherbrooke, ont créé de tels modèles au Québec. Cependant, ces formules omettent d’adapter les courbures naturelles de la colonne vertébrale en fonction de la personne. De plus, le modèle utilisant les mesures d’activation musculaire par électromyographie requiert de procéder à l’étalonnage de ces signaux à l’aide de contractions musculaires maximales. « La plupart des personnes souffrant de lombalgies sont incapables de fournir ce type d’effort », souligne le chercheur de l’IRSST.

Corriger des imperfections

Christian Larivière et son équipe de collaborateurs et collaboratrices, dont font partie Aboulfazl Shirazi-Ald et Denis Gagnon ainsi que deux stagiaires postdoctoraux, ont donc entrepris de combler ces lacunes. Ils ont d’abord fusionné trois modèles musculosquelettiques de la colonne vertébrale, indépendants les uns des autres, en une forme hybride. Le but : « obtenir la solution la plus sensible aux stratégies individuelles de mouvement et d’activation des muscles du tronc », lit-on dans leur rapport de recherche, publié en février dernier.

Puis, avec deux jeux de données indépendants impliquant des tâches statiques et dynamiques de levers de charges, les scientifiques ont mis au point et validé une technique d’étalonnage alternative des mesures électromyographiques. « Nous avons établi qu’une procédure de contractions musculaires sous-maximales peut avantageusement remplacer une technique maximale, affirme l’expert. L’approche par modélisation est donc applicable à des travailleurs et travailleuses souffrant de lombalgie ou qui ne sont pas habitués à faire des contractions maximales. »

Dans un dernier temps, les scientifiques se sont penchés sur l’à-propos d’intégrer, ou non, les courbures naturelles de la colonne vertébrale. Verdict ? « Cela peut avoir un impact important sur la prédiction des forces musculaires et, dans une moindre mesure, sur le chargement et la stabilité lombaires », analyse Christian Larivière. Le modèle hybride gagne ainsi en sensibilité, ce qui le rend d’autant plus pertinent.

Car, même s’il s’agit avant tout d’un outil complexe destiné à la communauté de recherche en santé et sécurité au travail, ce modèle hybride peut, par sa seule existence, contribuer à simplifier la vie des préventionnistes. « Par exemple, au quotidien, ils et elles utilisent des équations relativement simples [du National Institute for Occupational Safety & Health, ou NIOSH, par exemple] pour estimer les risques associés à la manutention de charges. Un modèle de ce type peut dans les faits valider ou même aider à améliorer de tels outils », fait valoir Christian Larivière.Mieux estimer les contraintes biomécaniques responsables de certaines lombalgies

Pour en savoir plus

Rapport synthèse : Fusion et validation de modèles musculosquelettiques de la colonne lombaire pour la prévention et la réadaptation des travailleurs (RS-1191-fr)

Chercheurs : Christian Larivière, IRSST et Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain (CRIR), Farshid Ghezelbash, Polytechnique Montréal, Amir Eskandari IRSST et CRIR, Denis Gagnon, Université de Sherbrooke, Hakim Mecheri, IRSST et CRIR, Navid Arjmand, Sharif University of Technology, et Aboulfazl Shirazi-Adl, Polytechnique Montréal.

IRSST

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