Pour réussir un retour au travail durable après une période d’invalidité
Par GUY SABOURIN
4 avril 2023
Photo : Istock
Pour recouvrer leur santé et retourner en emploi, les travailleuses et travailleurs ayant subi une lésion professionnelle doivent recevoir les soins dont ils ont besoin. Or, environ 15 % de ces personnes subissent une rechute les forçant à nouveau à cesser leur travail.
Ces rechutes sont-elles évitables ? Sans doute pas dans 100 % des cas. « Il est certain que des risques de rechute se présenteront. C’est pourquoi il importe de s’y préparer et de faire de la prévention en amont du retour au travail », explique la chercheuse Alexandra Lecours , professeure au Département d’ergothérapie de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
En s’appuyant sur les avancées de la science, la phase de réadaptation présente la meilleure occasion de prévenir les rechutes. « Il faut que ce soit fait à ce moment-là, dans une optique de maintien dans le temps, car une fois la personne retournée en emploi, il y a moins ou plus du tout de suivi de son état fonctionnel », précise Alexandra Lecours.
Les intervenantes et intervenants de la santé, comme les ergothérapeutes, physiothérapeutes et psychologues, peuvent éduquer et accompagner les personnes en réadaptation durant la période de soins en mettant l’accent sur les comportements préventifs qui favorisent le maintien au travail en santé et diminuent le risque de rechutes. Ces conduites, au nombre de six, sont bien définies dans le Modèle des comportements préventifs au travail (MCPT), un outil théorique élaboré ces dernières années.
les six comportements préventifs du MCPT
Le premier des six comportements préventifs du MCPT incite à développer une pratique réflexive, c’est-à-dire à réfléchir à ses actions dans son environnement de travail, avant, pendant et après l’action. Observer les règles et procédures implique d’avoir accès à de l’équipement de protection, de connaître les règles et de respecter les procédures de travail. Les travailleuses et travailleurs peuvent aussi prendre des initiatives pour leur santé, leur sécurité et leur bien-être par le biais de suggestions, ou encore en participant au comité de santé et sécurité du travail de leur établissement. À titre d’activité sociale supposant d’interagir avec autrui, on doit aussi se soucier des autres au travail, par exemple avec une écoute attentive ou en aidant des collègues. Communiquer implique de partager ses préoccupations en matière de santé et de sécurité avec l’entourage, d’exprimer ses besoins et de signaler les risques. Enfin, adopter un mode de vie sain signifie par exemple de veiller à assurer un bon équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, de bien gérer son stress et de prendre soin de sa santé. Il faut assurément situer ces comportements dans l’environnement dans lequel ils sont adoptés, et ils ne peuvent l’être que si le milieu de travail y est favorable.
Les intervenantes et intervenants de la santé, comme les ergothérapeutes, peuvent aussi éduquer le milieu de travail à l’importance d’instaurer un contexte qui facilite l’adoption des comportements préventifs chez les travailleuses et les travailleurs. Il peut s’agir de changements simples, comme reconnaitre les initiatives prises en regard de la santé, de la sécurité et du bien-être, ou offrir des lieux pour les discussions et les échanges.
L’étude invite aussi les spécialistes de la réadaptation à prendre conscience que les comportements préventifs attendus sont rarement adoptés de façon strictement indépendante les uns par rapport aux autres. En fait, ils se soutiennent mutuellement et certains permettraient d’en acquérir d’autres, par exemple, adopter une pratique réflexive semble requis pour communiquer, opter pour un style de vie sain ou prendre des initiatives favorisant la santé, la sécurité et le bien-être, selon la chercheuse.
Mieux intervenir
Les milieux de la réadaptation mènent déjà des interventions dans cet axe de prévention, mais elles sont encore intuitives et très variables. « Cette réalité peut s’expliquer par le fait que les sources d’information sont multiples et disséminées à travers différents champs de connaissances, si bien qu’elles deviennent difficilement accessibles aux cliniciennes et cliniciens », indique Alexandra Lecours. Cette recherche, et c’est son point fort, a donc permis de rassembler et synthétiser de l’information provenant de plusieurs sources, plus précisément de 46 études triées pour leur pertinence. « Les personnes qui travaillent en réadaptation ont besoin d’une information riche et fiable non seulement sur les interventions souhaitées, mais aussi sur les relations que ces interventions entretiennent entre elles et sur les approches théoriques qui les soutiennent », précise Alexandra Lecours. L’étude a permis d’identifier des stratégies précises et concrètes à utiliser en réadaptation pour soutenir le développement des six comportements préventifs chez le personnel. Par exemple, il est possible d’amener une travailleuse ou un travailleur à adopter une pratique réflexive en l’engageant dans un processus de résolution de problème à l’aide d’une activité de remueméninges, ou encore de soutenir cette personne dans son comportement de communication en l’éduquant sur la gestion des conflits ou sur l’affirmation de soi.
La prochaine étape prévue vise à faciliter la tâche des spécialistes de la réadaptation. « Il s’agira probablement d’un module d’autoformation disponible en ligne avec capsules explicatives et éléments interactifs », illustre la chercheuse. Cet outil permettra de continuer à faire ce qui se fait déjà, et de le faire mieux, avec un plus grand niveau de confiance, de manière plus réfléchie et justifiée.
Pour en savoir plus
Rapport : irsst.info/r-1166