Poussières de bois brûlé dans les scieries, un enjeu de santé au travail ?

Par Guy Sabourin

18 février 2025

Photo : iStock.com/jamenpercy

Les intenses feux de forêt de 2023 ont marqué les esprits. Au Québec seulement, plus de 1 000 000 hectares (en excluant la zone nordique) sont partis en fumée. Les feux forestiers ne sont pas nouveaux, mais leur ampleur et la quantité de bois partiellement brûlé pouvant être récolté pour être traité dans les scieries constituent une nouvelle réalité. Laquelle, à son tour, soulève une série de questions en rapport avec la santé au travail en présence de poussières de bois brûlé. De quoi se composent-elles ? Sont-elles toxiques ? Et qu’en est-il des cendres et de la suie ? Ces questions ont poussé le milieu de la transformation du bois et de la foresterie à s’adresser à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité au travail (IRSST) pour trouver des réponses. Et c’est ainsi qu’est né le projet d’expertise mené par Pamela Prud’homme, biochimiste et professionnelle de recherche à l’Institut. Elle a effectué une revue de littérature pour déterminer la composition de ces poussières. « En sachant ce qu’il y a dans les poussières, on peut suggérer des méthodes de prélèvement et d’analyse, puis identifier des effets potentiels sur la santé des travailleuses et travailleurs », explique-t-elle.

Pas beaucoup d’information

Le sujet est rapidement apparu complexe. Aucun article dans la littérature consultée n’abordait spécifiquement les poussières de bois brûlé récolté en forêt et transformé dans les scieries. Pamela Prudhomme a dû se rabattre sur la composition des bois torréfiés et des biochars (charbon de bois), les matériaux qui se rapprochent le plus de ceux que manipulent les travailleurs et travailleuses. Les publications retenues, au nombre de 13, devaient examiner le bois brûlé et caractériser ses poussières ou produits résiduels de combustion. Autre constat : la composition de ces bois dépend largement des conditions de combustion et des espèces d’arbres. En effet, l’hétérogénéité des conditions lors des feux de forêt (température, durée, présence d’oxygène ou non) fait en sorte que la composition du bois que manipulent les travailleurs et travailleuses est très variable, si bien qu’il devient difficile de tirer des conclusions bien définies.

L’experte a néanmoins pu identifier plusieurs composés. En effet, les biochars se composent majoritairement de carbone issu de la dégradation de la cellulose, de l’hémicellulose et de la lignine. Ils contiennent également des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) en faible quantité, ou sous les limites de détection, et des concentrations variables de métaux, comme l’aluminium, le chrome, le cuivre, le fer, le magnésium, le manganèse, le nickel et plusieurs autres. La concentration des oxydes, tout comme celle des métaux, tend à augmenter à mesure que la combustion progresse. En effet, le feu « brûle » la matière organique pour ne laisser principalement que des oxydes (ex. : oxyde de calcium, de magnésium et autres) et des métaux dans les cendres

« Ces résultats suggèrent de poursuivre la surveillance de la qualité de l’air dans les scieries, poursuit Pamela Prud’homme. En présence de bois brûlé, il est recommandé de mesurer les métaux, les HAP et la fraction inhalable des particules. » L’IRSST propose déjà des méthodes pour jauger ces substances sur son site Web. Quant aux poussières de bois brûlé elles-mêmes, il est impossible à l’heure actuelle de proposer un seuil d’exposition acceptable en raison du manque de données concernant leurs effets sur la santé. Elles restent ainsi peu documentées et non réglementées. « Malgré le nombre de feux sur la planète au cours des dernières années, nous avons été surpris de constater le peu d’information scientifique sur le sujet », ajoute l’experte.

Mesures préventives en présence de bois brûlé

« L’arrivée massive de bois brûlé dans les usines a incité les employeurs à bonifier les mesures préventives pour diminuer l’exposition des travailleuses et travailleurs aux poussières. Parmi les mesures mises en place, il y a la captation à la source, l’usage de rideaux pour séparer les différents départements de la scierie, l’arrosage pour diminuer l’empoussièrement, le nettoyage des surfaces et la protection respiratoire », explique Pamela Prud’homme.

Selon la biochimiste, de nouvelles recherches sont nécessaires pour déterminer si ces poussières de bois brûlé, qui semblent plus fines selon les observations des milieux de travail, pénètrent plus profondément dans l’arbre respiratoire et nuisent à la santé d’une manière encore insoupçonnée. On devra se poser des questions : Quelle est la granulométrie des poussières de bois brûlé et comment se comporte-t-elle lors du sciage, de l’écorçage et des autres étapes ? Quelle proportion de ces poussières atteint le creux des poumons et quel risque cela représente-t-il ? Quelle est l’efficacité des mesures préventives en présence de ces poussières ? « C’est maintenant sur le terrain qu’il faudra aller faire des observations et des mesures pour mieux comprendre », conclut Pamela Prud’homme.

Pour en savoir plus

Rapport : Revue de littérature sur la composition des poussières de bois brûlé (QR-1206-fr)

Chercheuses et chercheurs : :

Pamela Prud’homme, Simon Aubin, Pierre-Luc Cloutier, IRSST

IRSST

L’utilisation des témoins sur notre site

Pour adapter nos contenus et améliorer votre expérience sur notre site Web, nous utilisons des témoins (cookies) dans le respect de votre vie privée.

En naviguant sur notre site, vous acceptez l’utilisation des témoins décrite dans notre politique de confidentialité.

Gérer les témoins

  • Témoins nécessaires au bon fonctionnement

    Ces témoins sont obligatoires, car ils garantissent le bon fonctionnement du site.

    Toujours actifs
  • Témoins relatifs à la publicité

    Nous n'utilisons pas de témoins pour des actions de marketing personnalisé.

    Toujours désactivés
  • Témoins liés aux données statistiques

    Ces témoins permettent de collecter des données de navigation, comme la durée de la visite ou les pages vues. Les données collectées sont anonymes et ne peuvent pas être associées à une personne.

Confirmer
Prévention au travail