Robotique : quand les nouvelles technologies rencontrent la santé et la sécurité du travail
Par Paul Therrien
11 juin 2024
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De nos jours, les choses changent très rapidement, et les milieux de travail ne font pas exception à cette tendance. Animées de la volonté d’augmenter leur efficacité et leur productivité, de plus en plus d’entreprises investissent dans les innovations technologiques que sont les robots et l’industrie 4.0. Quelles retombées auront ces nouveautés sur la santé et la sécurité du travail (SST)? Pascal Poisson, président d’Intervention Prévention inc., ingénieur, chercheur et formateur en sécurité industrielle, a répondu à cette question lors du Grand rendez-vous de la CNESST de novembre 2023.
Avec l’avènement de l’industrie 4.0, la robotique et la connectivité des objets par le Web se répandent de plus en plus dans les entreprises. Comme cela a toujours été le cas lors de l’introduction de nouvelles technologies en milieu de travail, une adaptation est nécessaire pour assurer la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs. Pascal Poisson, président d’Intervention Prévention inc., est un ingénieur et formateur en sécurité industrielle ayant plus de 20 ans d’expérience. Il a donc présenté cette quatrième révolution industrielle qui est en cours. Il a expliqué qu’au cœur de la vague de nouvelles technologies qui déferle sur les industries, on retrouve les robots, les exosquelettes et les véhicules autonomes qui servent à améliorer les conditions de travail et à faciliter l’exécution de tâches complexes ou dangereuses. On peut donc dire qu’avec l’industrie 4.0 émerge aussi le concept de sécurité 2.0.
Les robots : des outils intelligents à surveiller
Comme l’explique M. Poisson, la robotisation est souvent la façon qu’ont les humains d’optimiser les tâches réalisées en usine. Au Canada, c’est à partir de 2012 que la robotique a commencé à s’imposer dans plusieurs industries manufacturières, comme celles du plastique, du caoutchouc, de la transformation des métaux, de l’informatique et de l’électronique. Cela ne veut pas dire pour autant que le travail des humains est désuet, bien au contraire. Ainsi, une nouvelle relation de travail doit être mise en place.
On distingue deux types d’appareils autonomes intelligents pouvant effectuer des tâches complexes : les robots, qui sont indépendants, puissants et rapides, et les « cobots », dont le rôle est de travailler en étroite collaboration avec un humain. Dans les deux cas, leur utilisation présente de nombreux avantages en matière de productivité. Cependant, les risques qui émergent doivent aussi être pris en compte.
La sécurité 2.0 : l’ère de la collaboration
Pascal Poisson explique qu’il fut un temps où le travailleur avait la pleine responsabilité de veiller à sa sécurité. C’était l’époque de la « sécurité 0.0 ». Une personne perdait deux doigts alors qu’elle manipulait une scie? On se disait alors qu’elle n’avait qu’à ne pas mettre ses doigts à cet endroit! Puis, nous sommes passés à la sécurité 1.0, où l’on cherchait à réduire les risques à la source et à installer un système de contrôle de sécurité. Enfin, dans l’actuelle ère de sécurité 2.0, on désire établir une zone de collaboration entre l’humain et les systèmes de sécurité. Selon l’expert en sécurité industrielle, c’est l’approche à adopter avec les robots qui présentent un certain nombre de risques. En effet, un robot peut être la cause de coincements, de pincements, de coupures et de chocs provoquant des blessures. Il peut provoquer une surcharge mentale chez la travailleuse ou le travailleur ou l’amener à adopter des postures contraignantes pour collaborer. Ainsi, selon que le robot est indépendant ou collaboratif, il importe de respecter la hiérarchie des mesures de prévention. La méthode la plus efficace est donc l’élimination du risque à la source. Viennent ensuite la sensibilisation, la formation et l’amélioration des procédures. Enfin, il y a le port d’équipement de protection individuelle. Dans le cas des robots connectés au Web, il faut aussi porter attention aux risques de piratage informatique. Les modifications à la programmation effectuées à distance sur des robots représentent aussi un risque. Il importe donc de veiller à ce que ces changements soient connus, révisés et approuvés par les personnes compétentes avant d’aller de l’avant.
Quatre mesures de sécurité
La norme ISO/TS 15066:2016 sur les Robots et dispositifs robotiques – robots coopératifs, publiée par l’Organisation internationale de normalisation, prévoit que les industries qui font usage des robots utilisent l’une des quatre mesures de sécurité suivantes :
Mode 1 : Arrêt nominal de sécurité contrôlé
Le robot collaboratif cesse de bouger lorsqu’il détecte qu’une travailleuse ou un travailleur entre dans son espace de travail, comme c’est le cas pour les méthodes utilisées avec les robots industriels classiques.
Mode 2 : Guidage manuel
Une fonction de sécurité permet au robot collaboratif de se déplacer uniquement lorsqu’il est sous le contrôle d’un opérateur.
Mode 3 : Contrôle de la vitesse et de la distance de séparation
Cette fonction de sécurité fait appel à des capteurs pour indiquer au robot collaboratif qu’une personne se trouve à proximité.
Mode 4 : Limitation de la puissance
Une fonction de sécurité limite la force qui peut être appliquée par le robot lorsqu’il entre en contact avec une personne.