Santé et sécurité agricole : le cas de l’élevage porcin

Par GUY SABOURIN

15 août 2023

Photo : Istock

Le bilan de la santé et sécurité du travail du secteur agricole canadien est préoccupant. Même si les mortalités diminuent avec les années, il n’en reste pas moins que la santé physique et psychologique des éleveuses et éleveurs est encore mise à l’épreuve.

Partant de ce constat, l’étude transversale multiméthodes Éleveurs de porcs en santé a documenté les déterminants de la santé et de la sécurité agricole en se concentrant sur un groupe précis : les éleveuses et éleveurs de porcs du Québec. Fruit de la collaboration interdisciplinaire (sciences sociales, sciences de la santé, sciences vétérinaires et sciences de l’agriculture et de l’environnement) de neuf chercheurs, cette étude a été dirigée par Nancy Beauregard, professeure titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal. Elle brosse un portrait élargi des dynamiques explicatives de la santé et de la sécurité de cette population du secteur agricole pour orienter les futurs efforts de prévention sur la base de données probantes. « Nous avons fait une photo de la situation des éleveuses et éleveurs à plusieurs égards : facteurs de risque et de protection, santé physique et psychologique, troubles musculosquelettiques et accidents du travail, précise la chercheuse. La richesse de cette étude tient dans l’intérêt manifeste des éleveuses et éleveurs de porcs, tant de leur organisation que des producteurs eux mêmes , qui ont été incroyablement réceptifs. »

Dans un premier volet réalisé en 2020 sous forme d’entretiens semi-dirigés, 20 éleveuses et éleveurs de porcs ont partagé leurs points de vue sur leurs enjeux de santé et de sécurité du travail et sur l’influence des programmes d’assurance-qualité et de bienêtre animal sur leur quotidien. En 2021, 182 de ces personnes provenant d’entreprises porcines choisies au hasard, rattachées aux syndicats régionaux de Beauce, Deux-Rives et Montérégie, ont répondu à un sondage détaillé sur ces thèmes.

La recherche Éleveurs de porcs en santé s’est articulée autour de trois objectifs : (1) établir un premier portrait des principaux enjeux de SST des éleveuses et éleveurs de porcs du Québec ; (2) en décrire les facteurs explicatifs sous-jacents (ex. : ceux découlant des caractéristiques individuelles des éleveuses et des éleveurs comme de leur environnement de travail immédiat et du contexte plus large de l’entreprise) ; et (3) développer une échelle de mesure des demandes et des ressources du travail propres aux programmes d’assurance-qualité et de bien-être animal, puis évaluer leur valeur ajoutée en SST.

Un métier encore risqué

L’étude a permis de constater qu’un éleveur sur six a rapporté un accident du travail et qu’un sur deux a souffert de troubles musculosquelettiques au bas du dos au cours de la dernière année, alors qu’un sur trois vivait une grande détresse psychologique pendant la recherche en cours. Les éleveuses et éleveurs rapportent aussi certaines pratiques de travail risquées (ex. : entretenir eux-mêmes les espaces clos). De plus, les contraintes physiques (ex. : manipuler des poids lourds), la charge de travail, le fardeau financier, les longues heures travaillées, les relations parfois conflictuelles avec les personnes associées à leur production et le conflit travail-famille constituent autant de pressions pouvant compromettre la SST. Conçus avant tout pour des impératifs commerciaux, et sans véritable arrimage avec la SST, les programmes d’assurance qualité et de bien-être animal peuvent s’avérer exigeants, alourdissant ainsi la tâche, ce qui explique en partie le stress psychologique et les troubles musculosquelettiques au bas du dos. « L’étude établit une preuve préliminaire de leur influence sur l’organisation du travail et conséquemment, sur la santé des éleveuses et éleveurs de porcs », précise Nancy Beauregard.

Cette recherche a toutefois soulevé des éléments positifs. Les éleveuses et éleveurs rapportent aussi rester à l’affût de nouvelles informations susceptibles d’améliorer la SST à la ferme. Ils investissent également en SST, ce qui constitue un facteur de protection pour des indicateurs comme les accidents et les méthodes de travail sécuritaires. « Même s’ils sont exigeants en temps et en efforts, et qu’on ne voit pas toujours comment ils changeront le quotidien des gens au moment de les concevoir, les programmes d’assurance-qualité et de bien-être animal dissipent certaines ambiguïtés dans la manière de faire les choses et c’est l’un de leurs aspects positifs », précise Nancy Beauregard. Par exemple, leurs exigences contribuent à rendre le milieu de travail plus sain et sécuritaire, les échanges avec des sources d’expertises reliées à ces programmes peuvent contribuer à optimiser les pratiques et certaines de leurs ressources simplifient la gestion de multiples données complexes.

Retombées potentielles

Éleveurs de porcs en santé met en relief différentes pistes pour l’avancement des connaissances en SST agricole. « Par exemple, placer les demandes et les ressources du travail, l’environnement de travail immédiat et son interface avec la famille, le contexte de l’entreprise et le secteur de production dans un même modèle intégrateur multifactoriel et multiniveaux justifie d’explorer des liens analytiques encore peu étudiés », explique Nancy Beauregard.

Les connaissances issues de l’étude peuvent être transférées vers d’autres productrices et producteurs agricoles tout comme vers les intervenantes et intervenants du milieu impliqués en SST. Par exemple, il ressort qu’une compréhension additionnelle des déterminants de la santé et de la sécurité peut enrichir les mesures de prévention et les ressources dédiées à l’ensemble du milieu agricole du Québec, comme celles que soutiennent Au coeur des familles agricoles, la formation Agir en sentinelle pour la prévention du suicide – déclinaison agricole, le Programme d’aide pour les producteurs agricoles, etc.

« Les résultats appuient aussi la pertinence de positionner les programmes d’assurance- qualité et de bien-être animal, et particulièrement leurs mécanismes de transfert de connaissances, comme des leviers additionnels de prévention en SST dans le secteur de l’élevage porcin », souligne Nancy Beauregard. La chercheuse estime enfin que les connaissances issues de cette étude seront également transférables à d’autres secteurs d’élevage qui disposent de programmes d’assurance-qualité et de bien-être animal semblables (ex. : production laitière, élevage de volaille).

Pour en savoir plus

Rapport : irsst.info/r-1176

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