Travaux routiers : emprunter la voie de la sécurité

Par Karolane Landry

11 mars 2025

Photo : senturkserkan/Shutterstock.com

Les travaux routiers sur le chemin public représentent une activité essentielle pour le maintien et l’amélioration des infrastructures de transport. Ramasser un objet sur la chaussée, installer des panneaux de signalisation sur un chantier routier, réparer des nids-de-poule : voilà quelques exemples de travaux qui comportent des risques pour la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs. De plus, lors de ce genre de travaux, le bilan des accidents démontre que les signaleuses et signaleurs routiers ainsi que les installatrices et installateurs de signalisation sont particulièrement exposés. C’est pourquoi la planification rigoureuse, la formation adéquate, la mise en œuvre de mesures de protection et le contrôle de ces dernières sont nécessaires pour prévenir les risques tout en minimisant les perturbations pour le public. Sorina Rachiteanu, ingénieure sénior en prévention-inspection à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), nous en dit plus sur ce sujet chaud.

Les travaux effectués sur les chemins publics sont très variés et peuvent comprendre une multitude d’activités. Il y a d’abord ceux sur la route (souvent appelés « chantiers routiers »), tels que la réfection de la chaussée, la réparation des nids-de-poule, le marquage routier et l’excavation pour réparer un aqueduc. Hors des chantiers, les travaux peuvent consister à nettoyer la chaussée ou à y ramasser des objets, comme des débris ou des carcasses d’animaux morts. Ils peuvent également inclure l’élagage d’un arbre ou encore l’occupation de la chaussée pour effectuer l’inspection d’un viaduc ou d’une canalisation. Des entreprises peuvent également intervenir pour installer des câbles de fibre optique ou pour remorquer un véhicule. « La nature des travaux est donc sans réelle importance, explique Sorina Rachiteanu. La réglementation concerne tous les travaux qui nécessitent une intervention dans une ou plusieurs voies de circulation ou dans l’accotement, jusqu’à une hauteur de 5,5 m. Aussitôt qu’on entrave le réseau routier, que ce soit avec la présence de travailleurs, de véhicules stationnés, d’’équipement ou de matériaux, on entre dans la définition d’une aire de travail sur le chemin public. »

Signaleuse ou signaleur routier : un métier risqué

Le travail de signaleuse ou de signaleur routier est loin d’être sans danger. Par exemple, durant l’automne 2019, trois d’entre eux ont perdu la vie alors qu’ils étaient en service. Ainsi, le risque d’être frappé ou écrasé par un véhicule routier ou de chantier est bien réel. De plus, les travailleuses et travailleurs peuvent être blessés par des équipements de signalisation déplacés ou par des objets projetés accidentellement. Les conditions de travail des signaleuses et signaleurs peuvent également les exposer à des températures froides ou chaudes. Les conditions météorologiques difficiles, mariées à des impératifs ergonomiques tels que des efforts excessifs, des postures contraignantes et des mouvements répétitifs, augmentent les risques de blessure.

Les travailleuses et les travailleurs peuvent aussi être exposés à des risques psychosociaux et d’agressions physiques, souvent de la part d’automobilistes. Le risque de glisser ou de chuter est également présent, que ce soit à cause d’un sol glissant ou abîmé, d’objets laissés au sol ou d’un éclairage déficient. Enfin, les conductrices et conducteurs peuvent être distraits par de nombreux éléments, tels que le paysage, leur téléphone cellulaire ou les travaux en cours. La signaleuse ou le signaleur ne doit donc jamais présumer qu’il est vu par tout le monde; il doit faire preuve de vigilance et demeurer attentif à son environnement.

Pendant l’exécution de travaux sur un chemin public, il est primordial de fournir aux usagers de la route des informations claires et des directives précises. Par exemple, une signalisation adéquate les guidera à travers la zone de travaux, réduisant ainsi le risque d’accident. L’article 289 du Code de la sécurité routière prévoit que les normes de fabrication et d’installation d’une signalisation routière sont établies par la ministre des Transports et de la Mobilité durable et consignées dans un manuel de signalisation, en l’occurrence le Tome V – Signalisation routière de la collection Normes – Ouvrages routiers. Le chapitre 4 de cet ouvrage couvre spécifiquement la signalisation des travaux. Lorsque l’on travaille dans une ou plusieurs voies de circulation, jusqu’à une distance de 3 m de l’extérieur de ces voies et jusqu’à une hauteur de 5,5 m, une signalisation conforme au Tome V doit être mise en place. « Cet outil est indispensable, car il contient la signalisation minimale obligatoire, mentionne Mme Rachiteanu. En installant une signalisation appropriée, on évite la confusion pour les usagers de la route. Ce tome propose ainsi des dessins normalisés qui montrent la signalisation à mettre en place selon la durée et la nature des travaux, la configuration de la route, le type d’entrave et la limite de vitesse. Par exemple, lorsque des signaleurs routiers contrôlent la circulation, il faut choisir le dessin normalisé qui s’applique à la situation et au chantier, s’il existe. S’il n’y a pas de dessin normalisé qui correspond, un plan de signalisation signé et scellé par un ingénieur doit être préparé, et ce plan doit respecter le Tome V. »

Planifier adéquatement l’intervention d’une signaleuse ou d’un signaleur routier

La planification des travaux est un élément essentiel pour réduire l’exposition des signaleuses et signaleurs routiers aux dangers. D’ailleurs, selon la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), les employeurs et les maîtres d’œuvre ont l’obligation légale de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les risques à la source. « Pour cela, on peut par exemple utiliser des feux de contrôle de la circulation pour travaux au lieu de prévoir la présence d’un signaleur routier, ou encore fermer la route où se déroulent les travaux et mettre en place une signalisation de détour, explique Mme Rachiteanu. On peut aussi se munir d’une barrière de contrôle de circulation opérée à distance par un signaleur routier. Cette barrière joue le même rôle que le signaleur routier, mais sans l’exposer directement au danger. La planification des travaux est vraiment l’élément clé pour mettre en œuvre les solutions et assurer la santé et la sécurité du personnel. » Il est à noter que depuis 2014, la norme du Tome V permet l’utilisation de la barrière de contrôle de la circulation pour travaux. Depuis 2020, il est également interdit d’avoir recours à une signaleuse ou un signaleur routier pour le contrôle de la circulation lors de travaux de courte ou de longue durée lorsque la circulation se fait en alternance sur des routes dont la vitesse affichée sur le panneau à fond blanc est supérieure à 70 km/h. D’ailleurs, depuis décembre 2024, cela est également interdit pour une vitesse affichée égale à 70 km/h. La barrière de contrôle de la circulation ou un autre des moyens cités plus haut doit donc être mis en place.

De plus, le contrôle de la circulation peut être assuré par une signaleuse ou un signaleur routier dans les cas suivants, conformément aux spécifications et aux dessins normalisés du Tome V : lorsque les véhicules doivent s’arrêter ou ralentir à proximité d’une aire de travail, ou lorsque la circulation doit se faire sur une seule voie en alternance dans les deux sens. Cependant, la signaleuse ou le signaleur ne doit pas diriger la circulation sur les routes où la limite de vitesse est de 100 km/h ou plus, ni sur les autoroutes. « Il y a des critères précis à respecter, et si on ne les rencontre pas, il ne peut pas y avoir de signaleur routier présent, précise l’experte. Ce dernier ne doit pas être exposé à la circulation si la norme n’est pas respectée. »

Avant toute intervention, l’employeur doit valider le dessin normalisé ou, s’il n’y en a pas, le plan de signalisation en fonction de l’environnement du chantier. Il doit tenir compte du fait que la configuration de la route peut influencer la signalisation et le positionnement de la signaleuse ou du signaleur. Il est également crucial de s’assurer que toute la signalisation nécessaire a été préalablement installée par du personnel formé à cet effet.

Le bon positionnement : la clé du succès

Le positionnement sécuritaire de la signaleuse ou du signaleur est déterminé par quatre critères principaux. Tout d’abord, la personne doit se placer à environ 7 m derrière le panneau « Ligne d’arrêt » pour assurer une visibilité adéquate des signaux par les usagères et usagers et bénéficier d’une marge de manœuvre en cas d’intrusion d’un véhicule. De plus, la travailleuse ou le travailleur doit avoir le meilleur champ visuel possible et être visible à une distance suffisante pour qu’un véhicule puisse s’arrêter en toute sécurité. Le Tome V précise d’ailleurs la distance minimale de visibilité d’arrêt requise en fonction de la vitesse autorisée.

« Le signaleur routier ne doit jamais être positionné dans une voie ouverte à la circulation. On voit régulièrement que ce principe n’est pas respecté alors qu’un accotement ou un trottoir est disponible et que c’est une exigence du Tome V. »

– Sorina Rachiteanu, ingénieure sénior en prévention-inspection à la CNESST

La signaleuse ou le signaleur routier doit également se positionner de façon à garantir le libre passage des véhicules en se plaçant sur l’accotement ou sur la voie obstruée lorsque nécessaire. « Par exemple, lors du contrôle de la circulation en alternance sur une route à double sens, le signaleur routier doit être sur l’accotement pour sa sécurité », illustre Mme Rachiteanu. Il doit toujours se tenir debout, face à la circulation, en gardant un contact visuel avec les usagers de la route, et repérer une zone de refuge en cas de danger, comme un accotement large ou un terrain. Toutefois, dans un endroit où il est impossible de fuir un véhicule se dirigeant vers la travailleuse ou le travailleur, comme un pont, la zone d’activité doit être prolongée pour assurer sa sécurité.

Formation, communication et EPI

La signaleuse ou le signaleur routier doit suivre une formation spécifique reconnue par l’ASP Construction. De plus, s’il se trouve sur un chantier de construction au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), il doit avoir réussi le cours de 30 heures intitulé Santé et sécurité générale sur les chantiers de construction ainsi que la formation offerte par son employeur, tel que l’exige l’article 51.9 de la LSST.

Il est également de la responsabilité de l’employeur de s’assurer que les travailleuses et travailleurs ont l’équipement nécessaire pour bien effectuer leurs tâches. « S’il y a plusieurs signaleurs routiers sur un chantier, par exemple, ils doivent être en mesure de bien communiquer entre eux », précise Mme Rachiteanu. L’utilisation d’un moyen de communication bidirectionnel comme un émetteur-récepteur est courante, particulièrement pour contrôler la circulation en alternance. De plus, l’employeur doit obligatoirement fournir tous les équipements de protection individuelle (EPI) nécessaires, comprenant un vêtement complet de sécurité à haute visibilité et un casque, les deux de couleur jaune-vert fluorescent, ainsi que des chaussures de protection.

Mettre en place la signalisation routière

Plusieurs accidents impliquant les travailleuses et les travailleurs qui installent ou enlèvent la signalisation temporaire sur les chantiers sont survenus au cours des dernières années. Ces travaux comportent plusieurs risques semblables à ceux auxquels sont confrontés les signaleuses et signaleurs routiers. À ces risques s’ajoutent les chutes, qui peuvent survenir depuis la plateforme du véhicule utilisé pour la manutention des dispositifs de signalisation. La travailleuse ou le travailleur peut aussi chuter d’un marchepied en tentant d’accéder à la cabine ou à la plateforme du véhicule en question.

Ainsi, la mise en place et l’enlèvement des dispositifs de signalisation doivent être effectués conformément aux dessins normalisés du Tome V. « Ces dessins précisent tous les détails à connaître, dont les dispositifs qu’il faut placer et retirer en premier », ajoute Mme Rachiteanu. De plus, il est primordial que le premier véhicule rencontré par les usagères et usagers de la route puisse être aperçu à la distance minimale de visibilité d’arrêt, soit la distance nécessaire pour qu’une conductrice ou un conducteur puisse immobiliser son véhicule après avoir repéré un objet sur la chaussée. D’ailleurs, s’il y a une pente ou une courbe, un véhicule d’accompagnement devrait être placé sur l’accotement pour assurer le respect de cette distance de visibilité.

Il est à noter que le passage des travailleuses et des travailleurs d’un côté à l’autre de la route est interdit, car la signalisation doit être installée ou retirée d’un seul côté à la fois. Ces derniers doivent rester dans l’aire de mise en place de la signalisation, qui doit être soit précédée par un véhicule de protection, soit délimitée par des repères visuels. « Sur une autoroute, les usagers de la route croiseront d’abord un véhicule de protection de type camion avec un atténuateur d’impact, puis un deuxième véhicule de protection léger de type camionnette ou fourgonnette, dit l’experte. Ensuite, ils verront l’aire de travail où un travailleur est en train d’installer un panneau, par exemple. En milieu urbain, seul un véhicule de protection léger est requis. » Il existe également plusieurs autres dispositifs de signalisation, comme les flèches de signalisation lumineuses et les panneaux à messages variables.

S’il est toléré que les tâches soient effectuées à partir de la plateforme d’un véhicule en mouvement, il faut toutefois respecter certaines règles du Code de sécurité pour les travaux de construction. Ainsi, si l’installatrice ou l’installateur de signalisation se trouve sur la plateforme, un garde-corps doit être présent, entre autres, et il doit être attaché pour éviter d’être expulsé et de se retrouver dans la trajectoire d’un véhicule qui pourrait le frapper ou l’écraser.

La formation et la supervision des travailleuses et des travailleurs sont d’une grande importance. Pour les installatrices et installateurs de signalisation, la réglementation n’exige pas une formation reconnue par un organisme particulier en installation. Cependant, l’employeur doit s’assurer que les travailleuses et travailleurs ont reçu la formation leur permettant d’accomplir leur tâche en toute sécurité, conformément aux dessins normalisés. Pour ce faire, des formations d’installateurs de signalisation sont offertes dans l’industrie, notamment par l’Association québécoise des transports (AQTr).

Si ces installatrices et installateurs travaillent sur un chantier de construction, ils doivent aussi avoir suivi le cours Santé et sécurité générale sur les chantiers de construction avec attestation décernée par la CNESST ou par un organisme reconnu par elle.

Finalement, les travailleurs et travailleuses qui installent ou enlèvent la signalisation doivent également porter les EPI requis, dont le vêtement de sécurité à haute visibilité de couleur orange fluorescent, des chaussures de protection et un casque de sécurité. Ce dernier ne doit pas être jaune-vert fluorescent, cette couleur étant réservée aux signaleuses et signaleurs routiers.

Une norme évolutive

Puisque le Tome V est mis à jour d’une à deux fois par année, les employeurs doivent s’assurer de s’informer fréquemment pour connaître les changements réglementaires. « On voit encore des signaleurs routiers sur les chantiers à plus de 70 km/h, même si c’est interdit depuis 2020 pour les travaux de courte ou de longue durée. Les travailleuses et travailleurs doivent aussi être informés des changements et des nouveautés », conclut l’experte. D’ailleurs, dans la dernière mise à jour du Tome V, qui a eu lieu en décembre 2024, on précise que l’interdiction s’applique maintenant aussi lorsque la vitesse est égale à 70 km/h. Le changement a été effectué à la suite d’une recommandation de la CNESST dans le cadre d’une enquête sur un accident mortel.

Des accidents qui auraient pu être évités

  • Le 19 octobre 2022, à Carignan, lors de travaux de pavage d’un chantier routier, une paveuse empiète sur la voie toujours ouverte à la circulation. Un signaleur routier et son collègue constatent la présence de la paveuse et arrêtent la circulation chacun de leur côté. Une fois la route dégagée, le signaleur permet le passage des voitures immobilisées en direction de Saint-Jean-sur-Richelieu. Soudainement, une voiture surgit, happant mortellement le signaleur.
  • Le 8 octobre 2019, à Sainte Clotilde de Châteauguay, des travaux de remblai de l’accotement et de profilage du fossé sont en cours. Trois signaleurs routiers dirigent la circulation locale en alternance, pendant qu’un camion à benne basculante décharge des matériaux granulaires sur le chantier. En début d’après-midi, le conducteur du camion reçoit la directive de se déplacer. Au moment où il prépare sa manœuvre de recul, un des signaleurs quitte son poste pour se diriger au centre de l’intersection. Le conducteur, croyant percevoir un signal de recul du signaleur, entreprend sa manœuvre. Le travailleur, qui se trouve dans l’angle mort du camion, est alors heurté et écrasé.

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