La violence, l’affaire de tous

Par Viviane Geoffrion, avocate

9 août 2022

« Chaque année, près de 20 000 Québécois — des femmes, pour la plupart — continuent d’être victimes d’une infraction commise en contexte conjugal. En fait, au Québec, près du quart de la criminalité contre la personne est attribuable à la violence conjugale1. » C’est dans ce contexte que le 16e paragraphe du premier alinéa de l’article 51 de Loi sur la santé et la sécurité au travail (ci-après LSST)2, en vigueur depuis le 6 octobre 2021, aborde maintenant spécifiquement la prévention de cette réalité que l’on attribuait habituellement davantage à la sphère personnelle des travailleurs.

L’article 51 al.1 (16) LSST se lit comme suit : « L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique et psychique du travailleur. Il doit notamment : (…)
16° prendre les mesures pour assurer la protection du travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel.

Aux fins du paragraphe 16° du premier alinéa, dans le cas d’une situation de violence conjugale ou familiale, l’employeur est tenu de prendre les mesures lorsqu’il sait ou devrait raisonnablement savoir que le travailleur est exposé à cette violence. »

Cette disposition oblige ainsi les employeurs à se responsabiliser. Ils ne pourront plus rester passifs en présence de situations de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. Ils devront prévoir des méthodes pour s’assurer que leurs milieux de travail en sont exempts.

En ce qui concerne la violence conjugale ou familiale, l’obligation prévue à cet article n’est opposable à l’employeur que s’il savait ou devait raisonnablement savoir que la travailleuse ou le travailleur est exposé(e) à cette violence.

À cet effet, afin de remplir son obligation, l’employeur devra agir comme une personne objectivement raisonnable. Une analyse contextualisée sera nécessaire, en considérant l’ensemble des obligations identifiées à la LSST, dont l’article 51 dans sa globalité.

Un employeur devra donc, lorsqu’il a connaissance d’une situation où une personne est victime de violence, poser des gestes positifs pour assurer la santé et la sécurité de la victime, mais également de tout son personnel. Il devra porter une attention particulière à l’environnement de travail et aux travailleurs et travailleuses qui y évoluent. L’employeur devra ainsi être proactif s’il constate des signes communément connus de violence, comme la présence de manifestations physiologiques et de changements significatifs dans le comportement du travailleur ou de la travailleuse. Parmi ces signes, on compte la baisse du rendement de celui-ci ou celle-ci, un problème soudain d’assiduité, des interruptions anormales au travail pour des raisons personnelles, les observations et les préoccupations des collègues de travail ou une dénonciation de la part d’un ou d’une collègue3.

Cette nouveauté législative permettra une prise en charge par le milieu de travail qui entraînera des conséquences positives sur un enjeu de société plus que préoccupant.

  1. RAPPORT QUÉBÉCOIS SUR LA VIOLENCE ET LA SANTÉ, chapitre 5 – La violence conjugale, Québec, Institut national de la santé publique du Québec, 2018, p.155.
  2. Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., c. S -2.1, art. no° 51(16).
  3. LA VIOLENCE CONJUGALE, UNE RESPONSABILITÉ DANS MON MILIEU DE TRAVAIL, Trousse d’accompagnement pour les entreprises, les syndicats et les membres du personnel, Projet Politique de travail en violence conjugale, Québec, Centre d’aide aux victimes d’actes criminels, 2020, violenceconjugaleautravail.com

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