Violence au travail en milieu scolaire
Des actions concrètes pour y mettre fin
Par Louis-Antoine Lemire
28 mars 2023
À la suite de signalements de violence survenus en novembre 2021 au sein d’écoles primaires et secondaires, le Centre de services scolaire des Rives-du-Saguenay (CSSRDS) a mis en place un projet en santé et sécurité du travail (SST) pour prévenir la violence dont certains travailleurs ont été victimes. Pascal Martel et Stéphane Angers, directeurs adjoints du Service des ressources matérielles du CSSRDS, nous en disent plus sur cette initiative inspirante.
Au cours de l’année 2021-2022, pas moins de 150 événements (de type violence physique, chutes et agressions verbales) ont été rapportés, dont 88 impliquant un élève. À titre comparatif, en 2017-2018, il y a eu 63 événements au total, dont 22 impliquant des élèves. Aussi, ce sont les enseignantes et les enseignants en orthopédagogie, les préposés aux personnes ayant un handicap et les techniciennes et les techniciens en éducation spécialisée qui auraient été majoritairement victimes de ces situations.
Selon Pascal Martel, un inspecteur de la CNESST aurait d’ailleurs visité l’un des milieux où il y a eu des agressions et des micro-agressions. Ce dernier a constaté que les travailleuses et les travailleurs avaient reçu des coups et que leurs conditions de travail s’en étaient trouvées affectées. Le directeur adjoint précise toutefois que, même avant la visite de l’inspecteur, l’organisation effectuait des enquêtes sur ce type d’incident et les déclarait aux instances concernées. « C’est une personne aux ressources humaines qui gérait ce type de dossier, poursuit M. Martel. Toutefois, l’accent était alors mis sur les lésions professionnelles. Si un enseignant recevait un ballon, par exemple, on faisait une intervention, mais il n’y avait pas de processus d’enquête officiel pour savoir ce que nous aurions pu faire pour éviter qu’une situation similaire se reproduise. Le système de dénonciation des accidents était en place dans le but de produire des statistiques. Toutefois, les suivis qui en découlaient n’étaient pas suffisants. » C’est la réalisation de ce manque qui a motivé le Centre de services scolaire à agir.
Le début du processus
Une rencontre a eu lieu le 7 décembre 2021; il s’y trouvait des membres des syndicats impliqués et un représentant de chacun des services du milieu, comme les finances, les ressources informationnelles, les ressources humaines, les ressources matérielles et le secrétariat général. À la suite de cette rencontre, la structure d’un projet a pris forme. Ce projet visait à établir les actions à poser en lien avec la SST.
Ainsi, le CSSRDS a analysé l’historique des lésions professionnelles les plus communes et a identifié les risques pouvant causer des lésions importantes. L’objectif était d’éviter la survenue de ces événements et de mettre en place des mesures de prévention. Les membres de l’organisation du CSSRDS ont donc monté un projet et élaboré des livrables afin d’être encore plus sensibles à ces questions. « Tous les livrables étaient en lien avec la santé et la sécurité du travail, dit M. Martel. Au même moment, nous avons appris qu’il y aurait des modifications à la loi (qui est devenue la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail). Par conséquent, nous avons travaillé en tenant compte des nouvelles exigences gouvernementales. En somme, les modifications à la loi ont fait en sorte qu’on aille un peu plus loin ». Le directeur adjoint ajoute que son groupe de gestion de projet a été en mesure d’explorer plusieurs sphères, dont la gestion des risques et la participation des travailleuses et des travailleurs en ce qui concerne la SST, l’entretien préventif, la communication à l’intérieur de l’organisation et les enquêtes d’analyse d’événement.
Comme le CSSRDS n’avait pas de représentante ou de représentant en santé et sécurité et que la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail exige que ce soit le cas, quelqu’un a été nommé à ce poste en août 2022. « Il n’était pas évident d’identifier la personne pertinente pour s’acquitter de cette tâche, mais on voulait vraiment que ce soit quelqu’un qui puisse être libéré cent pour cent du temps afin de soutenir les travailleuses et les travailleurs », explique M. Martel.
S’arrimer tous ensemble
Pascal Martel reconnaît qu’au début du projet, il y avait une certaine inquiétude dans le milieu quant à l’idée de travailler en collaboration avec les travailleuses et les travailleurs syndiqués. « Parfois, ils ont des revendications, dit-il. Cependant, ils ont vite embarqué dans le mouvement et nous travaillons de concert avec eux. Maintenant, si une situation survient, les gens du syndicat nous mettent au fait. De même, si ces derniers parlent à l’enquêteuse ou à l’enquêteur, celle-ci ou celui-ci nous en informera. Nous avons développé une belle synergie entre les travailleuses et les travailleurs, les gestionnaires et les personnes qui s’occupent des questions liées à la SST. Dorénavant, tout le monde est plus conscient des enjeux en matière de SST, ce qui nous permet de donner des réponses », assure-t-il.
L’avancement des travaux
Au moment d’écrire ces lignes, l’organisation était à identifier les principaux risques psycho-sociaux et à déterminer les mesures de prévention nécessaires. Les deux hommes et leur équipe s’affairent alors à trouver des moyens pour corriger et contrôler ces risques. De plus, le CSSRDS a fait l’acquisition d’une solution informatique permettant de déclarer des événements précis et d’effectuer la gestion des risques. Le CSSRDS offre aussi un service d’aide aux employés intégrant des initiatives bien-être qui existent dans différents milieux.
Un bilan satisfaisant
Stéphane Angers dresse un bilan positif des progrès ayant été faits depuis la visite de l’inspecteur. « C’est un travail qui s’échelonne sur quatre ans, explique-t-il. Cela dit, nous avons entamé le premier livrable, qui porte sur la gestion des risques, durant le premier six mois. Nous sommes donc prêts à transmettre cette information aux milieux de travail, qui ont commencé à documenter par écrit l’identification et l’analyse des risques à l’automne 2022. »
Jusqu’à présent, la réaction des travailleuses et des travailleurs face aux changements proposés a été favorable. Notons d’ailleurs que les professionnels de ce centre de services scolaire du Saguenay ont présenté le projet à l’Association des cadres scolaires du Québec, car la structure de projet pourrait être étendue à d’autres centres de services scolaires.
Regard vers l’avenir
L’objectif du centre de services, d’ici la fin de l’année scolaire 2021-2022, était d’établir un plan d’action qui permettrait l’implantation d’un encadrement et d’une culture de prévention en SST. Le CSSRDS voudrait d’ailleurs avoir complété ce projet d’implantation et d’encadrement d’ici la fin de l’année scolaire 2026-2027.
Finalement, M. Martel recommande aux milieux d’être proactifs et de s’organiser avant de devoir « se faire organiser ». « Stéphane et moi voulons que ce que nous créons perdure. Le projet du CSS est toujours en phase d’amélioration. Nous voulons partager notre bonne idée à travers le Québec. Il faut que les organisations s’assurent de garder leurs employés en santé et en sécurité », termine-t-il.