Un travailleur est écrasé par un mur de tête

Par Geneviève Chartier

30 décembre 2025

Illustration : Jean-Philippe Marcotte

En octobre 2024, un travailleur s’affaire à poser un mur de tête en aval d’un ponceau sur un chantier de construction. Alors que l’homme se trouve dans l’excavation près du mur de tête, la sangle de levage supportant la charge, qui est manipulée grâce à une pelle hydraulique, se rompt. Le mur bascule alors au sol et écrase le travailleur, qui décède malheureusement des suites de ses blessures. Comment aurait-on pu éviter cet accident tragique?

Que s’est-il passé?

Le jour de l’accident, des travaux doivent être effectués pour remplacer un ponceau situé à l’ouest de l’intersection d’une route. Ce ponceau est composé de tuyaux circulaires en béton armé. Chacune de ses extrémités est constituée d’un mur de tête qui assure le soutien du remblai et le protège de l’érosion. Les matériaux excavés sont mis de côté pour le remblayage à l’aide d’une pelle hydraulique. Le mur de tête situé en aval du ponceau doit être construit en premier. Il doit, lui aussi, être soulevé à l’aide d’une pelle hydraulique, puis être positionné à l’endroit préétabli selon le plan.

Lorsque le mur de tête situé en aval du cours d’eau est prêt à être positionné dans l’excavation, l’alimentation en eau est bloquée et on installe une pompe afin d’assécher le fond de l’excavation. Le travailleur utilise la chargeuse pour approcher le mur de tête à portée de la pelle hydraulique. Il sort ensuite de la chargeuse et descend dans l’excavation pour prendre des mesures. Le travailleur tente alors d’accrocher les mains de levage utilisées lors de travaux semblables la semaine précédente, mais ces dernières s’avèrent incompatibles avec le type d’ancrage présent sur le mur de tête. Une sangle de levage en fibre synthétique est donc attachée en panier par l’ouverture circulaire du mur de tête.

Le mur de tête est soulevé et déposé en position finale dans l’excavation. À ce moment, l’opérateur rejoint le travailleur dans l’excavation. Ils constatent tous les deux que le mur est légèrement incliné du côté nord. Le mur est donc soulevé une deuxième fois afin de permettre au travailleur de corriger l’assise du mur en y ajoutant du matériel.

Alors que le mur de tête est suspendu au godet de la pelle hydraulique, la sangle se rompt. Le mur de tête tombe, bascule au contact du sol, pour finalement se renverser sur le travailleur. L’opérateur tente alors d’utiliser la chaîne accrochée pour relever le mur de tête, mais elle est trop courte. Son collègue part chercher une chaîne plus longue. Le mur de tête peut être relevé à nouveau par la pelle hydraulique afin de dégager le travailleur. Ce dernier est transporté à l’hôpital, où son décès est malheureusement constaté.

Qu’aurait-il fallu faire?

Pour lever le mur de tête de 4 179 kg (9 213 lb), une sangle de levage en fibre synthétique se trouvant sur le chantier a été utilisée. Lors de son utilisation en attache à panier simple, sa charge maximale d’utilisation était dépassée de 1 367 kg (3 013 lb), soit d’environ 149 %. Toutefois, le dépassement de la charge maximale n’explique pas à lui seul la rupture de la sangle. Lorsque le mur de tête a été soulevé une première fois, les efforts statiques et dynamiques ont entraîné une détérioration rapide des fibres de la sangle, particulièrement lors du contact des arêtes vives présentes sur la pièce de béton. De plus, le corps de la sangle n’était pas protégé avec des protecteurs de coin, des gaines protectrices coulissantes ou du rembourrage contre les dommages causés par des bords tranchants pendant le soulèvement. Lorsque le mur de tête a été soulevé une deuxième fois, une défaillance est survenue du côté biseauté, à l’endroit où l’angle de l’arête est le plus aigu. Les contraintes exercées à cet endroit ont déformé et coupé le corps de la sangle, ce qui a entraîné la chute du mur.

De plus, les travaux ont été effectués à proximité d’une charge suspendue. En effet, le mur a été soulevé une deuxième fois pour permettre au travailleur de corriger l’assise en y ajoutant du matériel. Le travailleur s’est donc retrouvé près de la charge alors qu’elle était suspendue au godet de la pelle hydraulique, ce qui n’aurait pas dû être le cas.

Finalement, la gestion des manœuvres de levage et de gréage était déficiente. En effet, le maître d’œuvre d’un chantier de construction doit établir, mettre en place et coordonner les mesures à prendre en vue de protéger la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleuses et travailleurs. Le programme de prévention est donc un bon outil pour identifier, contrôler et éliminer les risques présents sur le chantier de construction. Or, dans le programme de prévention élaboré par l’employeur, on ne retrouvait aucune mesure de prévention en lien avec le gréage et le levage de charge. Certes, le travailleur avait suivi une formation en lien avec le gréage et la manutention à l’aide d’une grue, mais un contrôle aurait dû être exercé par les personnes en autorité pour qu’elles s’assurent que les méthodes de travail sécuritaires pour le gréage et le levage de charge étaient bien appliquées. Par ailleurs, une pelle hydraulique, qui est un engin de terrassement, a été utilisée à des fins de levage sans qu’aucune méthode de travail particulière ne soit élaborée, contrairement à ce qui est exigé à l’article 3.10.3.3 du Code de sécurité pour les travaux de construction.

Personne-ressource : Pierre Privé, coordonnateur aux enquêtes, Direction générale de la gouvernance et du conseil stratégique en prévention à la CNESST

Enquête réalisée par : François Morency, ing., et Julie Trépanier, tous deux de la CNESST

Illustration : Jean-Philippe Marcotte

L’utilisation des témoins sur notre site

Pour adapter nos contenus et améliorer votre expérience sur notre site Web, nous utilisons des témoins (cookies) dans le respect de votre vie privée.

En naviguant sur notre site, vous acceptez l’utilisation des témoins décrite dans notre politique de confidentialité.

Gérer les témoins

  • Témoins nécessaires au bon fonctionnement

    Ces témoins sont obligatoires, car ils garantissent le bon fonctionnement du site.

    Toujours actifs
  • Témoins relatifs à la publicité

    Nous n'utilisons pas de témoins pour des actions de marketing personnalisé.

    Toujours désactivés
  • Témoins liés aux données statistiques

    Ces témoins permettent de collecter des données de navigation, comme la durée de la visite ou les pages vues. Les données collectées sont anonymes et ne peuvent pas être associées à une personne.

Confirmer
Prévention au travail