Karim St-Pierre : l’enjeu de la gestion du changement en SST
Par Karolane Landry
22 juillet 2025
Photo : Maude Gauthier
Dans un environnement où les changements technologiques, réglementaires et organisationnels se multiplient, la gestion du changement en santé et sécurité du travail (SST) devient un facteur clé du succès pour les organisations. Gérer ces transformations de manière efficace exige une approche bien structurée, une participation active des travailleuses et travailleurs ainsi qu’une communication claire. Karim St-Pierre, coordonnateur en SST chez Canam, nous fait part de ses réflexions sur les défis à relever et sur les meilleures pratiques à adopter en gestion du changement.
M. St-Pierre, selon vous, pourquoi est-il important d’intégrer les travailleuses et travailleurs au processus de gestion du changement?
En fait, c’est essentiel, car cela valorise leur contribution, renforce leur engagement et favorise l’adhésion aux nouvelles pratiques. Lorsque les employés participent à l’élaboration des changements, ceux-ci répondent mieux à leurs besoins. En effet, sans l’implication des travailleuses et travailleurs, il peut y avoir une forte résistance au changement attribuable, bien souvent, à un manque de compréhension des raisons et des avantages de ce changement. La transparence et la communication sur les raisons du changement sont cruciales pour surmonter la résistance qui se traduit par des réflexions comme « Ça fait 30 ans que je fais ça comme ça! Pourquoi changer? ». Par exemple, chez Canam, nous organisons des échanges entre les usines pour discuter des accidents ou des risques. Cela nous permet de mettre en place des mesures correctives, d’intégrer les changements de manière efficace et d’assurer une participation collective de manière à prévenir les incidents.
Selon ce que vous avez observé, quels sont les obstacles les plus fréquents à la gestion du changement?
Un des principaux obstacles est la résistance au changement, car les gens peuvent le percevoir comme une menace à leur stabilité. Un manque de planification adéquate et une mauvaise identification des risques peuvent compliquer davantage le processus, générant parfois de nouveaux dangers ou déplaçant les problèmes existants. Le manque de conscience et d’implication des employés peut conduire à un faible engagement, surtout si les nouvelles pratiques touchent des habitudes bien établies. La confiance dans les anciennes méthodes et la difficulté à adopter les nouveautés sont également des freins potentiels. Il est crucial de soutenir les employés pour qu’ils ne se sentent pas déstabilisés. Les préoccupations surviennent tant à l’échelle individuelle qu’au niveau organisationnel. En outre, des questions sur les répercussions des changements et sur le soutien disponible pour faciliter la transition sont soulevées. Les compétences des employés peuvent être remises en question, ce qui génère des inquiétudes et met en lumière la nécessité d’un accompagnement approprié.
Pouvez-vous nous donner des exemples de changements auxquels peut faire face une organisation?
Un exemple typique est l’introduction d’une nouvelle machine. Avant même de l’installer, il faut faire une analyse de risques, comprendre son fonctionnement, déterminer l’endroit où elle sera placée et son impact sur l’environnement de travail. Un autre exemple est la mise en place de nouvelles normes, comme celles pour les fumées de soudage. Lorsque les résultats des tests d’échantillonnage montrent un dépassement des valeurs limites d’exposition, les travailleurs doivent porter des masques et se raser la barbe, par exemple. Ce changement peut sembler anodin, mais il nécessite néanmoins une grande adaptation.
Selon vous, quels sont les risques associés à une mauvaise gestion du changement?
Ils sont nombreux, mais mentionnons une augmentation des incidents, la non-conformité réglementaire et la démotivation des employés. Cela peut entraîner des répercussions financières majeures, entacher la réputation de l’entreprise et causer une perte de confiance parmi les employés et les autres parties prenantes. Dans un environnement en constante évolution, il est essentiel de bien évaluer et planifier les changements pour éviter de surcharger les travailleuses et travailleurs et empêcher un manque de priorisation.
Comment arrivez-vous à bien gérer les changements chez Canam?
La gestion du changement en entreprise se décline en plusieurs étapes clés. D’abord, il est crucial de procéder à une analyse et à une évaluation des risques en amont de concert avec les travailleurs. Cela permet d’anticiper les dangers et de planifier en conséquence. Chez Canam, nous avons implanté un processus d’analyse de risques que nous appelons le RAP (Risques Analysés Priorisés), qui requiert la participation des travailleurs, des contremaîtres et des gestionnaires séniors à toutes les étapes. Le RAP a grandement contribué à la sensibilisation aux risques et à l’adhésion des travailleurs aux mesures de prévention.
Une communication claire à tous les niveaux est essentielle pour s’assurer que chacun comprend les objectifs et les étapes du changement. La mise en place de formations et de programmes de sensibilisation facilite l’apprentissage et l’adoption des nouvelles pratiques par le personnel. Il est aussi important de désigner des « gardiens du processus » pour superviser les projets et garantir une bonne coordination. Pour gérer le changement, on doit faire preuve de flexibilité et savoir anticiper les enjeux afin de s’adapter aux imprévus et de s’assurer que toutes les ressources nécessaires sont disponibles. Pour ce faire, une bonne compréhension des phases de changement — appropriation, adaptation, apprentissage et adoption — est indispensable, car elle permet à chacun d’intégrer progressivement les nouvelles routines.
Quels sont les éléments-clés sur lesquels vous misez lorsque vous devez communiquer efficacement lors d’un processus de changement?
Pour communiquer efficacement lors d’un processus de changement, il est essentiel de former et de sensibiliser les équipes de gestion à la « culture SST ». Cela passe par la rédaction de consignes claires et la réalisation de suivis réguliers. Il faut également veiller à ce que les équipes possèdent les compétences nécessaires pour comprendre et gérer le changement, y compris la résistance éventuelle et le stress associé. De plus, il faut prévoir du temps pour répondre aux questions et structurer soigneusement chaque phase du changement. Célébrer les réussites et reconnaître les efforts contribuent à renforcer l’engagement du personnel et permettent d’ajuster le processus, au besoin.
L’utilisation de canaux de communication diversifiés assure que toute l’équipe est bien informée, ce qui évite les malentendus liés aux perceptions et aux valeurs. Gérer le changement avec clarté et transparence, tout en faisant preuve d’écoute active, est crucial dans un environnement en constante évolution. Cette stratégie garantit un environnement de travail sécurisé et une adaptation réussie aux nouvelles exigences.
« La gestion du changement est un processus complexe mais nécessaire pour les entreprises qui veulent s’adapter aux nouvelles exigences et garantir un environnement de travail sécuritaire. »
– Karim St-Pierre, coordonnateur en SST chez Canam