Ménopause au travail : comment mieux soutenir les travailleuses?
Par Mélina Nantel
30 juillet 2024
Photo : Kinga/Shutterstock.com
À elles seules, les femmes de plus de 40 ans représentent le quart de la main-d’œuvre canadienne. Pourtant, à cet âge charnière de leur carrière, elles composent avec un phénomène universel : la ménopause. En milieu de travail, cet aspect de la santé féminine est rarement abordé, et nombreuses sont celles qui souffrent en silence. Entre diminution de productivité, absentéisme et fin de carrière précipitée, la ménopause peut avoir des effets néfastes sur l’emploi, qui peuvent toutefois être évités. Nous en avons parlé avec Marie-Claude Pelletier, présidente et fondatrice de Global-Watch, une plateforme internationale collaborative de bonnes pratiques en santé psychologique et bien-être au travail.
Bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, pertes urinaires, manque d’énergie : voilà quelques-uns des symptômes de la ménopause – on en compte une trentaine – qui affectent généralement les femmes entre 40 et 55 ans. Bien que la ménopause soit universellement vécue, ses effets demeurent largement méconnus. Et surtout, ils ne s’arrêtent pas soudainement en réunion d’équipe ou en pleine présentation d’affaires! Ainsi, les symptômes mal contrôlés peuvent provoquer des situations très gênantes et constituer d’importants freins à l’efficacité.
Selon Marie-Claude Pelletier, pour l’employeur, les deux conséquences les plus directes de la ménopause au travail sont l’absentéisme et le présentéisme. Dans le premier cas, les femmes s’absentent du boulot, se déclarent malades ou doivent quitter leur lieu de travail sans préavis. Dans le deuxième, elles font du présentéisme, c’est-à-dire qu’elles se trouvent physiquement au travail, mais ne réussissent pas à réaliser leurs tâches. Il y a donc une perte de productivité. « Et c’est seulement la pointe de l’iceberg », affirme Mme Pelletier.
En moyenne, 3,5 milliards de dollars sont perdus chaque année en raison de symptômes non maîtrisés, estime la Fondation canadienne de la ménopause. Les pertes d’efficience au travail, de même que les absences et les départs à la dernière minute, contribuent à une certaine désorganisation. Qui plus est, celles qui vivent les effets de la ménopause sont souvent contraintes de cacher leurs symptômes ou de vivre un inconfort sans être comprises.
« Il faut se rendre disponible et à l’écoute des besoins. Ça demande des efforts, mais c’est nécessaire. »
— Marie-Claude Pelletier
Présidente et fondatrice de Global-Watch
Une responsabilité partagée… pour des bienfaits partagés
« Un gestionnaire tire profit du bien-être de son équipe et du fait que toutes et tous sont présents, engagés dans leurs tâches et capables de bien travailler », explique Marie-Claude Pelletier. La fondatrice de Global-Watch rappelle que la ménopause ne représente qu’un aspect de la santé féminine, comme le sont la grossesse, l’accouchement ou les périodes menstruelles. Si les milieux de travail envisagent depuis longtemps des mesures d’adaptation et de flexibilité pour les femmes enceintes, les employeurs gagneraient, selon elle, à faire de même pour celles en situation de ménopause. En effet, mettre en place des mesures de soutien améliorerait le bien-être et la rétention des employées, accroîtrait la productivité, réduirait l’absentéisme, augmenterait l’engagement et diminuerait les coûts liés à l’attrition, au recrutement et à la formation.
S’outiller pour mieux soutenir
Comprendre la ménopause et la manière dont elle se manifeste au travail est une première étape importante. En suivant eux-mêmes des formations, les gestionnaires et les superviseurs sont plus à même d’offrir aux travailleuses un soutien adéquat. Afin de faire circuler l’information au sein de l’organisation, des activités de formation et de sensibilisation peuvent être organisées. Le partage de renseignements via l’intranet constitue également une pratique à privilégier. L’important est que cette période de la vie soit connue et considérée comme un phénomène « réel et valable » en milieu de travail. Il faut que la ménopause soit comprise et non démonisée.
Il est à noter que les organisations tirent aussi un bénéfice à établir une communication ouverte. En effet, actuellement, le quart des femmes ménopausées cacheraient leurs symptômes dans le cadre de leur emploi, et les deux tiers ne se sentiraient pas à l’aise d’en parler à leur gestionnaire. « Il faut que ce soit correct de dire quand ça ne va pas, peu importe la raison », rappelle Marie-Claude Pelletier, qui défend l’importance d’un « climat de sécurité psychosociale » en milieu de travail.
Un outil concret pour y arriver peut prendre la forme d’un formulaire d’auto-évaluation sur le bien-être des travailleuses. En effet, y inclure des éléments sur la ménopause pourrait aider les femmes à identifier leurs propres symptômes – qui sont fréquemment mal compris ou refoulés –, de cibler les besoins et d’envisager des mesures d’adaptation.
Miser sur l’adaptation et la flexibilité
Un éventail d’adaptations physiques peuvent être envisagées, comme une meilleure ventilation, un contrôle de la climatisation et un accès facile aux salles de bain. Mais la clé, selon Marie-Claude Pelletier, c’est de demander leur avis aux personnes concernées! En effet, les femmes connaissent leurs besoins, et de simples petits ajustements peuvent souvent changer bien des choses.
À l’instar des femmes enceintes qui sont, dans certains cas, redirigées vers des tâches plus sécuritaires, les personnes ménopausées pourraient aussi profiter d’une adaptation en ce qui a trait à leurs responsabilités. Les employeurs peuvent autoriser des heures de travail flexibles, du télétravail ou des pauses supplémentaires. « Regardez au sein de votre entreprise ce qui est déjà en place et ce qui pourrait s’appliquer », conseille Marie-Claude Pelletier. Par exemple, l’assureur ou le programme d’aide aux employés peut possiblement offrir un soutien en santé mentale, car des troubles peuvent découler des changements hormonaux. « Les femmes en situation de ménopause constituent l’un des aspects d’une stratégie de diversité, d’équité et d’inclusion, termine Marie-Claude Pelletier. Il faut se rendre disponible et à l’écoute des besoins. Ça demande des efforts, mais c’est nécessaire. »
Des ressources de la Fondation canadienne de la ménopause pour aller plus loin
- Le Guide à l’intention des employeurs
- L’Outil de suivi des symptômes de la ménopause pour les travailleuses
- L’outil téléchargeable Ménopause au travail, pour renseigner les gestionnaires au sujet des symptômes courants et de leur incidence sur le travail