Mode de travail hybride : une étude fait le point

Par Geneviève Chartier

28 janvier 2025

Photo : Andrey_Popov/Shutterstock.com

Récemment ont été publiés les premiers résultats d’une grande étude longitudinale du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) sur la performance et la satisfaction au travail des travailleuses et travailleurs ayant adopté le travail hybride. En effet, depuis la pandémie, les questions sur ce mode de travail fusent : les employés sont-ils vraiment productifs lorsqu’ils sont à la maison? Souffrent-ils d’isolement et de solitude? Se sentent-ils moins engagés envers leur employeur? Voici les éléments de réponse que cette étude nous apporte.

Lancée en 2022 et s’échelonnant sur une période de deux ans, cette étude de l’équipe du CIRANO s’appuie sur trois questionnaires ayant été distribués aux mêmes travailleuses et travailleurs de plusieurs organisations québécoises, selon des intervalles de six à neuf mois. Ces questionnaires couvraient plusieurs configurations différentes, allant du temps complet en présentiel au temps complet à distance, en passant par diverses formes de travail hybride. Cela a permis de brosser un portrait complet de l’expérience des travailleuses et travailleurs, et de comparer les différentes formes d’organisation du travail entre elles.

La productivité : un sujet chaud

Parmi les personnes ayant répondu au sondage, 91 % ont dit travailler en mode hybride, et près de la moitié a mentionné effectuer ses tâches à distance à raison de trois à quatre jours par semaine. Dans un premier temps, l’étude révèle que les répondantes et répondants s’estiment, dans une très large majorité, comme étant plus productifs à distance. En effet, 96 % d’entre eux disent accomplir autant ou plus de travail par heure lorsqu’ils sont en télétravail. La perception des gains de productivité serait d’ailleurs plus intense chez les personnes qui travaillent principalement à distance, soit trois jours ou plus par semaine. Celles qui travaillent à distance de trois à quatre jours par semaine et celles qui sont en télétravail à temps complet perçoivent leur efficacité ou l’atteinte de leurs résultats comme étant la plus élevée, alors que celles qui sont toujours sur leur lieu de travail la perçoivent comme étant la plus faible.

Et le sentiment d’engagement, dans tout ça?

L’une des principales inquiétudes des employeurs en lien avec le télétravail et le mode de travail hybride était certainement la perte présumée du sentiment d’engagement des travailleuses et travailleurs envers l’organisation. Or, selon la présente étude, ce serait plutôt l’inverse. Lorsque les répondantes et répondants ont été questionnés sur leur fierté reliée au travail qu’ils accomplissent, leur attachement émotionnel à l’organisation et leur potentiel sentiment de culpabilité à quitter leur employeur à court terme, ceux qui travaillent principalement ou totalement à distance ont démontré un engagement plus fort que les autres. Ces résultats rejoignent d’ailleurs ceux parus dans le cadre d’une étude de la Harvard Business Review, qui remettait en question l’idée selon laquelle le travail à distance réduisait les interactions et, par conséquent, l’engagement des travailleuses et travailleurs (Brodsky et Tolliver, 2022). Il est d’ailleurs intéressant de mentionner que, selon les données issues de l’étude du CIRANO, les personnes qui travaillent à distance trois jours ou plus par semaine ont exprimé un sentiment d’engagement significativement plus élevé que celles qui travaillent à distance seulement deux jours par semaine ou que celles qui travaillent en présentiel à temps complet.

Une question de soutien

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’étude révèle que les gens qui travaillent principalement à distance à raison de trois jours ou plus par semaine sont ceux qui estiment recevoir le plus d’appui, tant de la part de leur employeur que de leur supérieur immédiat ou supérieure immédiate et de leurs collègues. Ces trois sources de soutien seraient perçues comme plus faibles chez les personnes qui sont en présentiel à temps complet et celles qui ne travaillent à distance que deux jours par semaine.

Bien-être et autres considérations

Dans l’ensemble, les répondantes et répondants ont déclaré se sentir traités de manière juste au travail, en particulier sur le plan interpersonnel. Cette perception était toutefois plus élevée chez les gens qui travaillent principalement à distance (de trois à quatre jours par semaine). De même, le sentiment de bien-être serait lui aussi plus élevé chez ceux qui travaillent principalement à distance. Ce sentiment a été évalué par le biais de réponses à des affirmations comme : « Je mène une vie pleine de sens et ayant un but », « Mes relations sociales sont encourageantes et enrichissantes » et « Je suis optimiste quant à mon avenir ».

L’étude a aussi révélé que le sentiment d’épuisement serait moins élevé chez les gens travaillant principalement à distance, avec une différence marquée entre ceux qui travaillent à distance seulement deux jours par semaine et ceux qui le font de trois à quatre jours par semaine. Sans surprise, les répondantes et répondants travaillant principalement à distance ont aussi déclaré avoir un meilleur équilibre entre les différentes sphères de leur vie (professionnelle, familiale et personnelle).

Finalement, les trois besoins fondamentaux que sont les besoins d’autonomie, d’affiliation et de compétence seraient mieux satisfaits chez les gens qui travaillent principalement à distance, particulièrement le besoin d’autonomie.
Ainsi, bien que des analyses statistiques plus poussées doivent encore être réalisées, ces résultats d’étude permettent d’observer des différences marquées entre les perceptions des personnes qui effectuent du travail à distance (à temps complet ou en mode hybride) et celles des personnes qui n’en font pas. Voilà très certainement des pistes de réflexion intéressantes pour les employeurs qui s’interrogent sur le futur de l’organisation du travail et sur le bien-être de leurs travailleuses et travailleurs.

« L’une des principales inquiétudes des employeurs en lien avec le télétravail et le mode de travail hybride était certainement la perte présumée du sentiment d’engagement des travailleuses et travailleurs envers l’organisation. Or, selon la présente étude, ce serait plutôt l’inverse. »

Sources :

Béjaoui, A., St-Onge, S., Peignier, I. et Ballesteros Leivas, F. (2023). Les diverses facettes du travail hybride – Premiers résultats d’une enquête longitudinale sur la performance et la satisfaction au travail, Revue PERSPECTIVES, 2023PJ-01, CIRANO. https://doi.org/10.54932/XPRJ5142

Béjaoui, A., St-Onge, S., Peignier, I. et Ballesteros Leiva, F. (2023). Les facettes du travail en mode hybride – Résultats d’un deuxième questionnaire distribué auprès d’employés dans le cadre d’un projet longitudinal de recherche, 2023s-24, Cahiers scientifiques, CIRANO. https://doi.org/10.54932/QYMJ5601

St-Onge, S., Béjaoui, A. et Sauvé-Plante, C. (2022). Point de vue – Gérer en mode hybride : occasions, défis et conditions de succès. Dans B. Dostie et C. Haeck (dir.), Le Québec économique 10. Compétences et transformation du marché du travail (16, p. 354-367). CIRANO. https://doi.org/10.54932/AXYZ3751

St-Onge, S. et Sauvé-Plante, C. (2021). Une réflexion sur les grands défis liés à la transformation des milieux de travail, 2021PR-01, CIRANO. https://cirano.qc.ca/fr/sommaires/2021PR-01

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