Silice cristalline : tout sur les modifications réglementaires

Par Paul Therrien

9 juillet 2024

Photo : Tayaout-Nicolas

Au fil des années, de nombreuses études ont relevé la surexposition des travailleuses et travailleurs de certains secteurs d’activité à la poussière de silice cristalline, un composé présent dans de nombreux matériaux et connu pour causer de graves maladies. Les employeurs de plusieurs établissements, mais particulièrement ceux du secteur de la construction, doivent adopter des mesures strictes afin de réduire au maximum les risques liés à ces particules non visibles à l’œil nu.Des modifications réglementaires sur la silice sont en vigueur depuis le 8 juin 2023 dans le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC). De plus, depuis le 28 avril 2024, la valeur d’exposition admissible a été abaissée dans le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST). Nous en avons parlé avec Fatim Diallo, ingénieure et conseillère experte en prévention-inspection, et Mohamad-Ali Daoui, chimiste et conseiller expert en prévention-inspection, tous deux à la CNESST.

L’exposition à la silice cristalline en milieu de travail est fréquente. Au Canada, environ 380 000 personnes sont à risque d’en respirer quotidiennement. Entre 2008 et 2020, la CNESST a reconnu plus de 300 cas de silicose au Québec. Ce minéral est présent naturellement dans la croûte terrestre, le sable et la roche. En raison de sa présence dans de nombreux matériaux, comme le granit, le grès, la céramique, l’ardoise, le béton, le mortier et la brique, il n’est pas rare que la fine poussière toxique de silice cristalline se retrouve dans l’environnement immédiat des travailleuses et travailleurs. « C’est le cas dans plusieurs domaines, mais surtout sur les chantiers de construction, explique Fatim Diallo. En établissement, le travail de la pierre pour produire des comptoirs de cuisine ou de salle de bain en quartz ou en granit expose les travailleuses et travailleurs à la silice. Dans les fonderies, les mines et les carrières, il y a aussi des risques d’exposition. »

Un tueur invisible… et patient

Lorsqu’on travaille avec des matériaux qui contiennent de la silice, des particules peuvent se déployer sous forme de poussières en suspension dans l’air. Alors que les plus grosses particules qui pénètrent dans le nez et la trachée peuvent être expulsées en éternuant ou en se mouchant, les plus petites peuvent s’infiltrer profondément dans l’organisme, jusque dans les alvéoles des poumons. La principale maladie qui en résulte est la silicose. Il s’agit d’un épaississement et d’une cicatrisation des poumons. On dénombre aussi, en lien avec la silice, de nombreux cas de cancer du poumon, de bronchopneumopathie chronique obstructive, de maladie pulmonaire obstructive chronique, de polyarthrite rhumatoïde et de tuberculose. « La silicose est la pathologie qui est la plus souvent associée à la silice, et c’est l’une des maladies professionnelles pour lesquelles on indemnise le plus, affirme Mohamad-Ali Daoui. Cela peut prendre de 10 à 20 ans avant que l’une de ces maladies se développe chez une travailleuse ou un travailleur qui a été surexposé à la silice cristalline. » Les premiers symptômes de la maladie sont les troubles respiratoires, comme l’essoufflement à l’effort. Toutefois, la progression de la maladie peut se poursuivre bien après une cessation de l’exposition à cette poussière. À la longue, la réduction de la capacité pulmonaire peut nuire gravement à l’oxygénation des organes vitaux.

Bon à savoir

Voici quelques activités à risque en lien avec des matériaux contenant de la silice cristalline pouvant causer des maladies pulmonaires irréversibles :

  • Sciage
  • Perçage
  • Meulage
  • Ponçage
  • Cassage au marteau-piqueur
  • Forage
  • Balayage à sec
  • Concassage
  • Décapage au jet abrasif

Une tolérance zéro

Vers la fin des années 2000, une nouvelle politique de tolérance zéro a été adoptée par la CNESST quant à l’exposition à la silice cristalline en milieu de travail. Cela signifie qu’un manquement à l’une des règles concernant cette substance mènera à l’arrêt des travaux et que les fautifs sont passibles de poursuites pénales. « La tolérance zéro est en place, car l’exposition à la silice a des conséquences graves sur la santé », explique Mme Diallo, qui ajoute que des mesures de prévention appropriées doivent être respectées en milieu de travail.

Des méthodes de prévention éprouvées

  • Utiliser des procédés humides
  • Investir dans des équipements de ventilation et de captation de la poussière à la source
  • Confiner les procédés à risque, afin que la travailleuse ou le travailleur n’y soit pas exposé
  • Élaborer un programme de protection respiratoire et suivre de près son implantation
  • Modifications récentes

    Le 8 juin 2023, la nouvelle sous-section 3.25 du CSTC portant sur les travaux susceptibles d’émettre de la poussière de silice cristalline est entrée en vigueur. « Des précisions ont été apportées relativement aux mesures à mettre en place lorsque des travaux générant de la poussière sont effectués sur des matériaux présumés contenir ou contenant de la silice cristalline, dit Mme Diallo. Le CSTC précise dorénavant 11 matériaux présumés contenir de la silice cristalline et exige, entre autres, l’utilisation d’un procédé humide visant à abattre la poussière ou des mesures pour capter les poussières grâce à un système de ventilation par aspiration à la source muni d’un filtre à haute efficacité. Le CSTC oblige également l’employeur à fournir un appareil de protection respiratoire aux travailleuses et travailleurs qui effectuent certaines tâches particulières et à mettre en place un programme de protection respiratoire. Il précise aussi que l’aire de travail doit être délimitée lors de l’exécution de ces tâches pour que les autres travailleuses et travailleurs restent à l’extérieur de celle-ci. » Il est à noter que le CSTC contient aussi des exigences relatives au nettoyage des vêtements et de l’aire de travail. De plus, l’employeur a l’obligation de former les travailleuses et travailleurs sur les risques associés à la silice cristalline et sur les procédés à suivre lors de la manipulation de certains matériaux. La formation doit également couvrir l’utilisation et l’entretien des équipements de contrôle des poussières et des appareils de protection respiratoire.

    Des domaines divers

    Les maladies liées à la silice cristalline sont plus susceptibles de se développer chez les personnes travaillant dans :

  • les mines et les carrières
  • l’industrie de la première transformation des métaux (fonderies)
  • la fabrication de produits minéraux non métalliques (travail de la pierre)
  • l’industrie du commerce
  • l’industrie de la construction
  • Une nouveauté prévue au RSST

    La valeur d’exposition à la silice cristalline est prévue à l’annexe 1 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail. Elle s’applique tant dans les établissements que sur les chantiers de construction. Depuis le 28 avril 2024, une nouvelle valeur est en vigueur. « La valeur précédente était de 0,1 mg/m3 sur une durée de huit heures de travail. Elle a été réduite de moitié, soit à 0,05 mg/m3, ce qui est un net progrès », dit Mohamad-Ali Daoui. Selon la CNESST, la meilleure façon de respecter cette nouvelle norme est l’élimination du danger à la source, c’est-à-dire d’opter pour des matériaux sans silice. Lorsque cela est impossible, il faut mettre en œuvre des mesures de contrôle efficaces des poussières de silice cristalline émises.

    « Depuis le 28 avril 2024, la valeur d’exposition admissible a été abaissée dans le Règlement sur la santé et la sécurité du travail. »

    — Mohamad-Ali Daoui
    Chimiste et conseiller expert en prévention-inspection, CNESST

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