Le travail des 16 ans et moins : tenir compte des risques pouvant affecter particulièrement les jeunes
Par Paul Therrien
7 octobre 2025
Photo : Okrasiuk/Shutterstock.com
Le 1erjuin 2023, la Loi sur l’encadrement du travail des enfants est entrée en vigueur afin d’assurer la santé et la sécurité des jeunes au travail tout en favorisant leur persévérance et leur réussite scolaire. Cette loi était devenue nécessaire à la suite d’un constat inquiétant : une hausse marquée des accidents de travail chez les moins de 14 ans. Selon un rapport du Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre (CCTM), ces accidents ont augmenté entre 2012 et 2022. Les données de la CNESST font pour leur part état d’une hausse de 64 lésions entre 2017 et 2022. Alors qu’on rapportait 10 lésions professionnelles en 2017, 74 ont été comptabilisées en 2022 chez les 14 ans et moins. Quels sont les éléments à considérer et à mettre en place afin d’assurer la santé et la sécurité des jeunes de 16 ans et moins? Suzie Morrissette-Veilleux, Melissa Mendonça et Pascal Mallette, trois expertes et experts de la CNESST, ont répondu à cette question.
« Dans la loi, ce dont on parle, ce sont des risques pouvant affecter particulièrement les travailleuses et travailleurs de 16 ans et moins : il faut tenir compte de leur réalité pour mieux comprendre comment les risques présents au travail peuvent les affecter, explique d’emblée Suzie Morrissette-Veilleux, conseillère en prévention et inspection dans l’équipe Prévention auprès des clientèles de la CNESST. Les jeunes sont en pleine croissance physique, neurologique et cognitive. Ils peuvent ainsi être plus vulnérables aux incidents liés à la santé et à la sécurité du travail, ainsi qu’aux blessures. » Leur développement psychoaffectif, c’est-à-dire leur maturité émotionnelle, est lui aussi en construction.
Cet état général de croissance pourrait les rendre plus vulnérables dans certaines situations de travail. Entre autres, la pression, le stress et des attentes irréalistes de la clientèle ou des collègues peuvent les placer dans des situations à risque. Par exemple, par souci de s’intégrer plus facilement dans une équipe de travail, une jeune travailleuse ou un jeune travailleur peut hésiter à exprimer son inquiétude face à certaines tâches qui lui semblent risquées.
La Loi sur l’encadrement du travail des enfants
Au Québec, l’âge minimal légal pour travailler est de 14 ans. La loi permet toutefois aux enfants plus jeunes d’occuper certains types d’emplois, comme la production artistique, la livraison de journaux et le gardiennage. La liste des exceptions est accessible sur le site Web de la CNESST.
L’horaire de travail d’un jeune encore tenu de fréquenter l’école doit lui permettre d’assister à ses cours et d’être à la maison la nuit, soit entre 23 h et 6 h. De plus, le nombre d’heures de travail par semaine est limité à 17, dont un maximum de 10 heures du lundi au vendredi. Ces restrictions ne s’appliquent toutefois pas pendant une période de congé scolaire d’au moins sept jours consécutifs, comme la période des fêtes, la semaine de relâche et les vacances d’été.
En mode exploration
« Peu importe l’âge, le fait d’être en situation de nouveauté est un facteur déterminant en matière de santé et de sécurité du travail, affirme Suzie Morrissette-Veilleux. Normalement, les travailleuses et travailleurs de 16 ans et moins en sont à leur premier emploi. » Le manque de familiarité avec les tâches à effectuer et l’inexpérience les rendent plus vulnérables, surtout s’ils doivent manipuler des outils ou des machines. Il est fréquent que les jeunes se voient confier des tâches ou des postes moins convoités, qui s’avèrent parfois plus dangereux ou complexes. Paradoxalement, ils bénéficient souvent de moins de formation, d’information, de supervision et d’autres mesures de prévention, notamment « puisqu’ils occupent souvent des quarts de travail en soirée ou durant les fins de semaine », indique Mme Morrissette-Veilleux.
« Par souci de s’intégrer plus facilement dans une équipe de travail, une jeune travailleuse ou un jeune travailleur peut hésiter à exprimer son inquiétude face à certaines tâches qui lui semblent risquées. »
Les obligations de l’employeur
L’un des objectifs de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) est d’étendre les mécanismes de prévention et de participation à tous les établissements. Avec la mise en place du nouveau régime, les employeurs ont dorénavant l’obligation de documenter l’identification des risques existants dans leur établissement. « Une fois ces risques et facteurs de risques identifiés et priorisés, on doit mettre en place des mesures de prévention pour les éliminer ou, à défaut, les maîtriser, souligne Melissa Mendonça, conseillère en prévention-inspection dans l’équipe Gestion en santé et sécurité du travail de la CNESST. Les travailleurs de 16 ans et moins ont une réalité particulière. Pour les tâches qui leur sont assignées, si nécessaire, l’employeur doit mettre en place les mesures supplémentaires afin d’en permettre l’exécution dans un environnement sécuritaire. » L’employeur a notamment l’obligation de leur fournir un poste de travail ergonomique et sécuritaire ainsi qu’un accès sécuritaire aux équipements nécessaires à l’exécution de leurs tâches.
La connaissance des droits
Les travailleuses et travailleurs de 16 ans et moins ont les mêmes droits que les autres. Ils ont notamment le droit de recevoir une formation et une supervision sur les risques liés à chacune des tâches qui leur seront confiées, surtout lorsqu’ils sont en période d’apprentissage. La travailleuse ou le travailleur peut analyser les tâches qu’il considère comme risquées ou dangereuses et en discuter avec son supérieur ou un représentant de l’employeur. « Point important : la Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoit que les travailleuses et travailleurs peuvent refuser de faire une tâche s’ils la croient trop dangereuse. Après avoir avisé leur employeur ou un représentant de celui-ci de la raison pour laquelle ils considèrent que la tâche demandée représente un risque, ils échangent sur les solutions possibles, précise Pascal Mallette, conseiller en prévention et inspection dans l’équipe Prévention auprès des clientèles de la CNESST. Ce droit de refus est toutefois souvent mal connu des jeunes de 16 ans et moins. »
La violence à caractère sexuel
La clientèle jeunesse est surreprésentée parmi les victimes de violence à caractère sexuel en milieu de travail. Selon des données publiées en 2022 par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 54 % des travailleuses et travailleurs de 15 à 24 ans auraient subi un comportement problématique de nature sexuelle. Comme c’est le cas pour les travailleuses et travailleurs de tous les âges, les jeunes de 16 ans et moins doivent notamment être bien informés sur ce qu’est le consentement afin d’être en mesure de reconnaître la violence à caractère sexuel.