Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail
Chantiers de construction : des changements à appliquer
Par Paul Therrien
29 novembre 2022
La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) prévoit de nouvelles dispositions concernant les mécanismes de prévention et de participation en lien avec les chantiers de construction qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023. Quels sont les changements? En quoi consisteront-ils? Josée Ouellet, ingénieure experte en prévention à la CNESST, nous en dit plus sur le sujet.
La Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) vise l’élimination à la source des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychique des travailleuses et des travailleurs par une prise en charge de la santé et de la sécurité du travail (SST) par les milieux de travail. Les chantiers de construction, même s’ils ont des obligations qui leur sont propres, ne font pas exception à la règle. « L’idée principale, en lien avec les changements apportés par la LMRSST, est d’impliquer davantage les travailleuses et les travailleurs et de favoriser leur participation dans la prise en charge de la SST, notamment sur les plus petits chantiers, dans le but de diminuer les accidents du travail », dit Josée Ouellet. Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, de nouvelles dispositions concernant les mécanismes de prévention et de participation sont en vigueur et doivent être mises en place sur les chantiers de construction selon le nombre de travailleuses et de travailleurs de la construction présents sur le chantier à un moment des travaux ou selon le coût total des travaux pour ce chantier.
Important
Les chantiers de construction pour lesquels la CNESST aura reçu, avant le 1er janvier 2023, un avis d’ouverture du chantier, comme prévu à l’article 197 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), ne sont pas soumis aux nouvelles dispositions de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) en ce qui a trait aux mécanismes de prévention.
Notons que la CNESST a mis à la disposition des milieux de travail concernés divers outils d’information afin de les soutenir dans la mise en place de ces nouveautés. Parmi ceux-ci, l’outil d’Aide à l’application des mécanismes de prévention et de participation propres aux chantiers de construction permet de déterminer les mécanismes à mettre en place en fonction de certains critères.
L’application du programme de prévention relatif à un chantier de construction
Le principal outil de prévention sur les chantiers de construction prévu par la LSST est le programme de prévention. Élaboré par le maître d’œuvre conjointement avec l’employeur, ce document sert, entre autres, à identifier, à corriger et à contrôler les risques pour les travailleuses et les travailleurs qui œuvrent sur le chantier. Cependant, « à lui seul, le programme de prévention n’est pas suffisant pour rendre un milieu de travail sécuritaire. En effet, il faut qu’il y ait des personnes qui veillent à sa mise en application et à sa mise à jour, d’autant plus que le milieu de la construction comporte ses propres dangers », rappelle Josée Ouellet. Présentement, sur un chantier, le maître d’œuvre a l’obligation de mettre en place, dès le début des travaux, un programme de prévention spécifique aux risques présents sur son chantier lorsqu’il est prévu qu’il y aura au moins 10 travailleuses et travailleurs de la construction présents simultanément à un moment des travaux. Depuis le 1er janvier 2023, cette obligation demeure, mais la transmission du programme de prévention à la CNESST est requise lorsque la présence de 20 travailleuses et travailleurs et plus de la construction est prévue simultanément à un moment des travaux. Ce programme de prévention doit également être transmis au représentant en santé et sécurité (RSS) du chantier ayant été désigné par les travailleuses et les travailleurs du chantier ou par les associations représentatives. « Il y a aussi un nouveau contenu minimal que l’on doit retrouver dans le programme de prévention relatif à un chantier. En effet, il faut être plus précis sur ce qui se fait sur le chantier. De plus, le suivi sera plus serré. Enfin, c’est le comité de chantier (CC) qui a la fonction de s’assurer que le programme de prévention est bien appliqué », spécifie Mme Ouellet.
Le comité de chantier
Précédemment, comme le requérait le Code de sécurité pour les travaux de construction, le maître d’œuvre avait l’obligation de constituer un comité de chantier (CC) lorsqu’il avait 25 travailleurs et plus à un moment des travaux. « Ce qui a changé, en premier lieu, est l’obligation de mettre en place un CC sur les plus petits chantiers. Le nombre 20 est à retenir », souligne l’ingénieure de la CNESST. Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, s’il est prévu qu’il y aura 20 travailleurs et travailleuses de la construction et plus présents simultanément sur le chantier à n’importe quel moment durant les travaux, un CC doit être mis en place du début à la fin des travaux. Dans les 14 jours suivant le début des travaux, le CC doit tenir sa première rencontre et répéter l’exercice toutes les deux semaines jusqu’à la fin des travaux. Si le nombre de travailleuses et de travailleurs présents sur le chantier devait égaler ou dépasser 100, les rencontres du comité doivent alors se tenir une fois par semaine. « La composition du comité demeure sensiblement la même, mais la LMRSST oblige la présence du RSS qui y fait, entre autres, ses recommandations », indique Josée Ouellet.
La coordonnatrice ou le coordonnateur en santé et sécurité
La coordonnatrice ou le coordonnateur en santé et sécurité (CoSS) (appelé auparavant agente ou agent de sécurité) ou, à défaut, un représentant du maître d’œuvre, est responsable de la coordination du CC. Il lui incombe, entre autres, de déterminer l’ordre du jour et de rédiger les procès-verbaux des réunions du CC. Le CoSS doit aussi faire le suivi des demandes du comité auprès du maître d’œuvre.
Depuis le 1er janvier 2023, un CoSS doit être affecté à temps plein sur les chantiers qui comportent 100 travailleuses et travailleurs de la construction et plus simultanément à un moment des travaux ou dont le coût total excède 12 millions de dollars, et ce, sans exception. Un CoSS doit alors être désigné par le maître d’œuvre dès le début des travaux. Il n’y a plus de condition liée aux heures supplémentaires et à la période d’achèvement des travaux. De plus, dès qu’il y a 200 travailleuses et travailleurs de la construction et plus présents sur le chantier, il faut qu’il y ait des coordonnatrices ou des coordonnateurs supplémentaires. Seules les personnes titulaires d’une attestation d’agent de sécurité délivrée par la CNESST ou d’une attestation de formation de CoSS peuvent occuper le poste de CoSS.
La représentante ou le représentant en santé et sécurité
La principale modification introduite par la LMRSST pour les chantiers de construction porte sur la désignation, par les travailleuses et les travailleurs ou par les associations représentatives, d’un représentant en santé et sécurité (RSS). « Ainsi, en impliquant davantage les travailleuses et les travailleurs du chantier dans la mise en place et la surveillance des mesures de prévention sur les chantiers, ils se responsabilisent davantage envers leurs obligations », explique Josée Ouellet. Le nombre minimal de RSS présents sur un chantier et leur statut (temps plein ou temps partiel) dépend du coût ou de la taille du chantier. Ainsi, un chantier de construction dont le coût excédera 12 millions de dollars ou dont le nombre de travailleuses ou travailleurs de la construction présents simultanément sur le chantier à un moment donné des travaux est de 100 ou plus exige qu’un RSS y soit affecté à temps plein. Le RSS est désigné par les associations représentatives. En outre, dès qu’il y a 200 travailleuses et travailleurs de la construction et plus simultanément présents sur le chantier à un moment des travaux, il faut qu’il y ait des RSS supplémentaires. Le RSS peut notamment faire l’inspection des lieux de travail et faire des recommandations au CC ou, à défaut, aux travailleurs de la construction ou à leurs associations représentatives, à l’employeur, au CoSS ou au maître d’œuvre. Ses fonctions sont similaires à celles du CoSS. « On s’attend à ce qu’ils collaborent pour faire du milieu de travail un endroit sécuritaire », souligne Mme Ouellet. À titre d’exemple, si une travailleuse ou un travailleur constate qu’une tâche particulière comporte un risque pour sa santé ou sa sécurité, le RSS a le rôle de l’appuyer dans sa démarche et de participer à l’identification d’une mesure d’élimination du risque.
Autre nouveauté : un RSS à temps partiel doit aussi être désigné parmi les travailleuses et les travailleurs du chantier sur un chantier qui comporte 10 travailleuses et travailleurs de la construction ou plus présents simultanément à un moment des travaux, et ce, dès le début des travaux. « Cette personne doit être libérée une ou plusieurs heures chaque jour pour accomplir ses fonctions, qui comprennent l’inspection du chantier et la présentation de ses recommandations au CC, s’il y en a un, aux travailleurs et travailleuses du chantier et au maître d’œuvre. Ce temps de libération est proportionnel au nombre de travailleuses et de travailleurs présents sur le chantier », indique Mme Ouellet. Certaines fonctions, comme l’accompagnement de l’inspecteur de la CNESST lors de sa visite, sont exclues du temps de libération prévu journalièrement. Par ailleurs, le nouveau Règlement sur les mécanismes de prévention propres à un chantier de construction (RMPPCC) créée par la LMRSST spécifie les paramètres de libération du RSS. Afin de faciliter la mise en application de ces nouvelles dispositions par les milieux de travail, la CNESST a conçu un outil interactif permettant rapidement de Déterminer le temps de libération minimal du RSS sur un chantier de construction.
La formation à venir
À partir du 1er janvier 2024, il y aura aussi une obligation de formation en lien avec les mécanismes de prévention et de participation sur un chantier de construction. Des formations seront offertes par la CNESST ou par un organisme reconnu par celle-ci. Le contenu et la durée de la formation sont prévus au Règlement sur les mécanismes de prévention propres à un chantier de construction.
Ainsi, toute personne membre d’un CC aura l’obligation d’obtenir une attestation de formation d’une heure.
La travailleuse ou le travailleur désigné RSS à temps partiel devra obtenir une attestation de formation de trois heures.
La travailleuse ou le travailleur désigné RSS à temps plein devra obtenir une attestation de formation de 40 heures. Toutefois, toute personne désignée comme RSS à temps plein qui détient une attestation d’agent de sécurité délivrée par la CNESST sera dispensée d’obtenir une attestation de formation de RSS à temps plein.
Finalement, une personne ne détenant pas d’attestation d’agent de sécurité et voulant devenir CoSS devra obtenir une attestation de formation de 240 heures, sans stage, conclut Josée Ouellet.
Dès que ces formations seront disponibles, toute l’information sera communiquée sur le site Web de la CNESST.
Des ressources en ligne
Des outils pour les employeurs, les maîtres d’œuvre et les travailleuses et travailleurs sont disponibles sur le site Web de la CNESST afin de les aider à intégrer et à appliquer ces nouvelles dispositions.