Douleur et dépression : un programme pour faciliter le retour au travail

Par Catherine Couturier

20 mars 2020

Printemps 2020, vol. 33/1

Les travailleurs blessés qui présentent des symptômes de dépression seraient absents du travail deux fois plus longtemps que ceux qui sont également blessés, mais non dépressifs, avancent plusieurs études. En effet, si une blessure peut limiter un travailleur, la présence de symptômes de dépression ralentit son rétablissement.

« Le problème d’incapacité est de plus en plus important. Des gens qui avaient seulement une blessure physique voient leur dossier évoluer vers des problèmes de santé mentale », affirme Michael J. L. Sullivan, professeur au Département de psychologie de l’Université McGill et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé comportementale. Cette situation implique autant la souffrance des victimes que des coûts considérables pour les employeurs, les assureurs et la société en général.

Devant l’impératif de trouver des solutions, le chercheur et son équipe de l’Université McGill ont mené une étude, financée par l’IRSST, sur un programme d’intervention qui cible plus spécifiquement trois facteurs de risque : la pensée catastrophique, la peur du mouvement et le sentiment d’injustice.

« De plus en plus de recherches soutiennent que la sévérité des symptômes dépressifs n’explique pas l’ampleur de l’incapacité et que les traitements qui visent seulement les symptômes ne sont pas suffisants pour réduire l’incapacité », affirme le Dr Sullivan. Dans cette étude, qui a recruté 57 travailleurs blessés, le chercheur voulait évaluer la faisabilité, l’acceptabilité et l’influence du Programme de gestion de l’activité progressive (PGAP), de même que son efficacité pour améliorer la qualité de vie, l’humeur et le retour au travail des participants.

Un programme complémentaire

Le PGAP utilise différentes techniques d’activation comportementale pour réduire les barrières à la réadaptation et améliorer le retour à la vie quotidienne et en emploi de travailleurs blessés présentant des symptômes dépressifs. « Lorsqu’une personne devient déprimée, elle se retire de son environnement, et vit ainsi moins d’expériences de succès et d’accomplissement. On essaie de réintégrer les personnes dans des domaines d’activité associés au succès avant la blessure », explique le Dr Sullivan, en précisant que le programme est suivi en parallèle avec d’autres traitements, autant physiques que psychologiques.

Le programme étudié consiste en 10 sessions hebdomadaires d’accompagnement par un professionnel de la réadaptation spécialement formé, ergothérapeute ou physiothérapeute, par exemple. « On ne cible pas les symptômes de la dépression, d’autres interventions sont en place pour cela », précise le chercheur. Dans la première moitié de la démarche, l’intervenant établit des objectifs de participation à des activités de la vie quotidienne, ciblant ainsi indirectement les facteurs de risques psychosociaux chez le travailleur blessé. Dans la deuxième moitié, il surveille et réévalue les opinions du patient, avec sa collaboration, pour l’aider à combattre la pensée catastrophique.

Pour un meilleur retour au travail

Le PGAP travaille ainsi sur des attitudes que la personne manifeste, c’est-à-dire sa pensée catastrophique, sa peur du mouvement et son sentiment d’injustice : « Avec l’intervention, on ne transforme pas quelqu’un, mais on veut réduire l’impact néfaste de ces facteurs sur la récupération de la personne », nuance le chercheur. La recherche s’intéresse depuis plusieurs années à la réduction de la peur du mouvement et surtout, de la pensée catastrophique. L’atténuation de ces facteurs aurait un effet sur la diminution de la douleur et des symptômes de dépression. Il est cependant très difficile de changer le sentiment d’injustice, confie Michael Sullivan.

Les résultats de l’étude, qui a suivi les participants pendant six mois, sont très encourageants. « Les gens acceptent de participer et l’on observe une réduction importante des facteurs psychologiques et des symptômes, ainsi qu’un retour au travail très positif », résume le Dr Sullivan. Ainsi, 58 % des participants ont rapporté être de retour au travail six mois après la fin du traitement, alors que ce taux est habituellement de 20 à 25 % chez ce type de patients. L’échantillonnage comportait toutefois des limites, dont l’absence d’un groupe témoin. Et comme les travailleurs s’étaient portés volontaires, ils étaient peut-être plus motivés à adhérer à la démarche.

Malgré ces limites, le chercheur propose d’offrir ce programme dès le début du traitement des symptômes dépressifs. « Le traitement initial est souvent seulement axé sur la sévérité des symptômes dépressifs. Avec le temps, on voit qu’il ne génère pas de retour au travail et que le niveau d’incapacité est aussi élevé qu’immédiatement après la blessure. » Si l’on attend trop longtemps pour cibler des facteurs non médicaux, l’état dépressif peut devenir chronique et la réponse au traitement diminue alors également.

« On voit des cas partout en Amérique du Nord et ces dossiers sont difficiles à gérer », souligne le chercheur. Inspiré par les résultats de l’étude, Michael Sullivan croit que le PGAP pourrait être offert immédiatement après une réclamation. L’équipe de recherche travaille, par ailleurs, à l’élaboration d’une plateforme en ligne pour offrir le PGAP à un plus grand nombre d’intervenants.

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