Entrevue avec Jean-Philippe Dauphinais

Le bien-être au travail dans la ligne de mire

Par Gabrielle Fallu

11 avril 2023

Dirigée par le P.-D. G. et cofondateur Jean-Philippe Dauphinais, l’agence de marketing Web montréalaise Rablab fait du bien-être de ses employés une priorité. D’ailleurs, l’entreprise a mis en place plusieurs initiatives en ce sens. Nous nous sommes entretenus avec M. Dauphinais afin de comprendre comment les initiatives visant le bien-être des travailleuses et des travailleurs favorisent un milieu de travail où toutes et tous peuvent s’épanouir.

M. Dauphinais, qu’est-ce que Rablab?

JEAN-PHILIPPE DAUPHINAIS Rablab est une agence de marketing Web se spécialisant dans la publicité numérique et le référencement numérique d’entreprises québécoises. En bref, nous traitons les objectifs d’affaires d’une entreprise et nous les traduisons sur le Web. Mais Rablab, c’est aussi une famille, que nous appelons la RabFam. Ce concept met de l’avant plusieurs initiatives pour les employés, comme la semaine de quatre jours, le chalet, etc.

Quels sont les premiers changements que vous avez apportés à votre milieu de travail afin d’améliorer le bien-être des employés?

J.-P. D. Chez Rablab, nous avons toujours cru qu’une entreprise devrait être comme une famille, donc nous traitons nos travailleuses et nos travailleurs de la sorte. J’ai gardé cet objectif en tête en appliquant certains concepts de base, et cela a toujours extrêmement bien fonctionné. Par exemple, on s’encourage à travailler ensemble et on se dit les vraies choses. Évidemment, plus on évolue comme entreprise, plus il est difficile de conserver le sentiment d’appartenance. Des enjeux comme l’efficience, la productivité et la rentabilité deviennent de plus en plus importants, ce qui fait en sorte que les travailleuses et les travailleurs peuvent se sentir comme un numéro.

Ainsi, lorsque notre entreprise s’est agrandie, mon collègue et cofondateur Nicolas, et moi-même avons mis en place des initiatives pour que les employés se sentent membres de l’équipe à part entière. Je pense d’ailleurs que l’une des premières a été d’instaurer le télétravail, et ce, avant la pandémie! Nous faisons confiance aux personnes qui travaillent avec nous et ils nous font confiance à leur tour. On est assez fiers de ce qu’on a accompli au cours des deux dernières années. Un recensement a d’ailleurs été fait par un organisme qui compile les statistiques pour les agences de marketing au Canada; il a révélé que le taux de roulement moyen dans ces entreprises au Québec est de 44 %, alors que le nôtre, pour la même période, n’est que de 9 %!

Selon vous, pourquoi le bien-être des employés est-il essentiel dans une entreprise?

J.-P. D. Tout d’abord, il est nécessaire pour que l’entreprise soit rentable. Chez Rablab, 77 % de nos dépenses sont liées aux salaires ou aux avantages pour les employés. En effet, nous pensons qu’il est essentiel que la majeure partie de nos dépenses soit liée à un seul et même créneau. Et si on ne prend pas soin de ce créneau, nous allons voir de l’insatisfaction et du mouvement de personnel, et les services que nous offrons à nos clients en seront directement affectés. Si nos employés ne sont pas satisfaits de leurs conditions et qu’ils sont malheureux au travail, nous aurons moins de revenus et notre clientèle ne sera pas fidèle.

Aussi, par le passé, mon collègue Nicolas a travaillé dans des entreprises très hiérarchiques, qui pensaient uniquement au rendement des employés et non à leur bien-être. Il se disait alors que le jour où il démarrerait sa boîte, il prioriserait le bien-être des employés, car lui-même ne s’était jamais senti heureux en entreprise. Je crois que les compagnies qui pensent à maximiser leur profit avant de penser au bien-être de leurs employés voient le problème à l’envers.

Comment se déroule la « période test » pour la semaine de quatre jours chez Rablab?

J.-P. D. Je pense que la semaine de quatre jours est bonne pour le moral, la conciliation travail/famille, la capacité à décrocher… Nous sommes actuellement en période d’essai et nous remarquons que la semaine de quatre jours a aussi créé une amélioration de la productivité, car les employés doivent effectuer leur travail de façon plus organisée. Généralement, les gens arrivent plus détendus au bureau et sont donc plus productifs! Toutefois, dans la vie, tout n’est jamais tout rose et il y a bien sûr de moins bons côtés à cette initiative. Comme les employés doivent faire 32 heures sur 4 jours, ils doivent travailler une heure de plus chaque jour par rapport à avant, lorsqu’ils faisaient 35 heures sur 5 jours. Ainsi, les communications doivent se faire sur une période plus restreinte, ce qui peut créer des difficultés. Aussi, la majorité des entreprises fonctionnent sur une semaine de cinq jours; nous devons donc nous synchroniser avec celles-ci.

Aussi, je souligne que ça fait deux ans que nous travaillons afin d’obtenir notre certification B Corp (Beneficial Corporation). Cette certification est octroyée aux entreprises qui répondent aux plus hauts standards d’impact social et environnemental, de gouvernance éthique et de transparence envers le public. Et dans le processus pour obtenir cette certification, une firme nous a accompagnés afin d’implanter la semaine de quatre jours.

Quelle est l’attitude d’un bon gestionnaire, selon vous?

J.-P. D. Je crois que pour être un bon gestionnaire, il y a une seule qualité qui est très importante et les autres découlent de celles-ci : c’est l’écoute! Ce qui m’a le plus frappé en côtoyant des leaders, c’est que plusieurs d’entre eux écoutent pour écouter et non pour comprendre. Et lorsqu’un gestionnaire n’écoute pas pour comprendre, les problèmes sont amplifiés et empirent, car une mauvaise écoute mène à moins d’empathie et, possiblement, à des conflits. Un bon gestionnaire doit également être prêt à poser des gestes afin de rendre les demandes des travailleuses et des travailleurs concrètes. Aussi, il est essentiel d’apprendre à bien connaître ses collègues. Je pense que toutes les entreprises devraient, lors du processus d’embauche, faire passer un test psychométrique ou un test de personnalité aux futurs employés afin de comprendre leurs « couleurs ». Ainsi, on peut savoir comment la personne réagira à la critique, à quel point elle est sensible aux commentaires… Ceci facilitera les discussions plus difficiles (mais essentielles) à avoir. Quand un leader est à l’écoute et offre des opportunités équitables à tous, les chances de zizanie diminuent.

Est-ce que le salaire d’un employé influe vraiment sur son bien-être au travail?

J.-P. D. Chez Rablab, nous avons choisi d’offrir des conditions de travail extraordinaires, à défaut de donner les meilleurs salaires de l’industrie. En effet, le salaire n’est pas un « pilier » dans l’entreprise. Toutefois, notre méthode semble bien fonctionner, car notre taux de roulement de personnel n’est que de 9 %! Avec l’expérience, j’ai constaté que de nombreuses compagnies appâtent les employés avec un salaire élevé, mais ces compagnies ont aussi un très haut taux de roulement des employés… Cela dépend donc des priorités de chacun, mais je ne crois pas que le salaire soit une variable clé afin d’être heureux dans son milieu de travail.

Concrètement, quelles actions avez-vous posées pour rehausser le bien-être de vos employés?

J.-P. D. Tout d’abord, nous offrons des bonus à la performance; nous retranchons 3 % des revenus bruts annuels de Rablab, que nous redistribuons en fonction de la performance des employés au cours des six derniers mois. Nous offrons aussi des augmentations salariales bisannuelles. De plus, nous avons un chalet à environ une heure de Montréal, dans lequel les employés peuvent venir travailler en tout temps. D’ailleurs, nous avons mis sur pied cinq comités ciblés pour le bien-être des employés, nommés Chalet, Bien-être, Implication sociale, Semaine de 4 jours et Québécois. Ce dernier sert à mettre en place des formations pour les employés nouvellement arrivés au Québec. Finalement, nous offrons la passe de vélo Bixi, l’accès au gym, l’assurance collective et le télétravail.

Les conseils de M. Dauphinais pour augmenter le bien-être des travailleuses et des travailleurs

  • Être à leur écoute, car c’est en les écoutant qu’on réalise ce dont on a vraiment besoin.
  • Apprendre à bien connaître les personnes avec lesquelles on travaille.
  • Faire de son lieu de travail un endroit plaisant et dynamique, avec une ambiance « familiale ».

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