Un travailleur est victime d’une grave intoxication
Par Geneviève Chartier
10 septembre 2024
Illustration : Jean-Philippe Marcotte
En avril 2023, un travailleur est affecté au nettoyage intérieur d’une trémie où une importante accumulation de poussières est présente. Lors de la procédure d’aspiration, un accident se produit et des poussières toxiques sont inhalées et ingérées par le travailleur. Voici ce qui s’est passé… et ce qu’il aurait fallu faire pour éviter que l’accident se produise.
Que s’est-il passé?
Lors d’un arrêt planifié dans une usine, un travailleur est entré dans une trémie (un réservoir en forme d’entonnoir) qui faisait partie d’un système d’électrofiltres afin de procéder à l’aspiration de poussières toxiques. En pénétrant dans la pièce, il a constaté une accumulation de poussières de plus de trois mètres de haut. Il a donc commencé à les faire descendre à l’aide d’un outil racloir vers le tuyau d’aspiration, mais au même moment, une grande partie de l’amas de poussières s’est détaché, ensevelissant le travailleur et le coinçant près de la porte. L’effondrement a été suffisamment puissant pour lui faire perdre son appareil de protection respiratoire et son casque de sécurité. Le travailleur a alors inhalé et ingéré des poussières toxiques. Le surveillant d’espace clos qui l’accompagnait est rapidement venu à son secours, et le travailleur a été transporté dans un centre hospitalier afin de traiter son intoxication.
Qu’aurait-il fallu faire?
Tout d’abord, la gestion de l’entrée en espace clos était déficiente. En effet, puisque l’ouverture des portes avait été faite par un sous-traitant quelques jours avant l’accident, les travailleurs considéraient probablement que l’entrée était déjà autorisée. Or, aucun permis d’entrée dans la trémie n’avait été délivré par le donneur d’ouvrage, ce qui indique que la vérification de l’état des lieux n’avait peut-être pas été effectuée. En effet, aucune demande en ce sens n’avait été faite par les travailleurs, et plusieurs éléments de la procédure d’entrée en espace clos n’ont donc pas pu être appliqués.
De plus, selon le rapport d’enquête sur cet accident, le donneur d’ouvrage avait sous-estimé les risques associés aux contaminants ainsi qu’à l’ensevelissement, ce qui a entraîné la grave intoxication du travailleur lors de son affectation dans la trémie, qui est considérée comme un espace clos. En effet, le programme de gestion des espaces clos, à la section où est abordé le travail dans les trémies, ne prévoit pas le risque d’ensevelissement lors d’une entrée par le bas de celles-ci, alors qu’elles contiennent du matériel à écoulement libre.
Le travailleur a aussi témoigné du fait que ni le donneur d’ouvrage ni l’employeur ne l’avaient clairement informé de la toxicité du matériel à l’intérieur des trémies. Il n’avait pas non plus été mis au courant du fait que celles-ci doivent être presque vides lors des travaux d’aspiration. D’ailleurs, le problème d’accumulation de poussières dans cet espace clos était connu par le personnel du donneur d’ouvrage depuis plusieurs mois, puisqu’il y avait eu un bris de la pompe du système de vidange de cette trémie. La poussière s’était tout de même accumulée sur plus de trois mètres de haut malgré la mise en place d’une méthode de rechange. Cela confirme l’absence de vérification du niveau de poussières dans la trémie, chose qui aurait dû être faite.
Cette absence a provoqué une modification potentielle des conditions atmosphériques dans la trémie à cause d’un contaminant en concentration inconnue. Cela induit une atmosphère considérée comme un danger imminent à la vie et à la santé, danger qui n’a pas été considéré lors de la procédure d’entrée en espace clos. La présence d’un tel contaminant aurait dû impliquer la mobilisation d’une équipe de sauvetage prête à intervenir dans les quatre à six minutes, comme cela est requis par la norme CSA Z1006:16.
Personne-ressource : Pierre Privé, coordonnateur aux enquêtes, Direction générale de la gouvernance et du conseil stratégique en prévention à la CNESST
Enquête réalisée par : Isabelle Ducharme et Patrick Bourdages, inspectrice et inspecteur à la CNESST.
Pour accéder au rapport d’enquête : ed004397.pdf (gouv.qc.ca).