Un travailleur meurt d’une exposition au monoxyde de carbone

Par Geneviève Chartier

7 janvier 2025

Illustration : Jean-Philippe Marcotte

En mai 2023, un travailleur décape au jet d’abrasif la peinture d’une remorque. Afin de se protéger contre certains contaminants, il porte un appareil de protection respiratoire (APR) alimenté en air par un compresseur à l’huile fonctionnant au diesel. À un moment, un incendie se déclare au niveau du compresseur. Le monoxyde de carbone (CO) produit par l’incendie contamine l’air acheminé au travailleur, qui décède malheureusement d’une intoxication.

Que s’est-il passé?

Le jour de l’accident, le travailleur devait décaper une remorque utilisée pour le transport de machinerie avant qu’elle soit repeinte. Pour retirer la peinture existante, l’employeur avait choisi une méthode de décapage au jet d’abrasif. La veille de l’accident, la personne en autorité de l’entreprise rassemble les équipements nécessaires pour effectuer le décapage au jet d’abrasif. Comme une partie d’entre eux provient d’un centre de location, elle s’informe du débit d’air requis pour alimenter les systèmes. L’employeur possède un compresseur correspondant à ce débit. De retour sur le terrain de l’entreprise, la personne en autorité et un travailleur décapent à tour de rôle la peinture de la remorque installée à l’extérieur, à proximité d’un garage. À la fin de l’après-midi, la personne en autorité indique au travailleur les tâches qu’il devra accomplir le lendemain, en son absence.

Le matin de l’accident, le travailleur arrive tôt et poursuit le décapage seul. Vers 10 h, un camionneur-artisan arrive sur place pour récupérer un chargement de terre. Le travailleur arrête alors le décapage et discute avec le camionneur, puis charge de la terre dans le camion-benne. Le camionneur quitte les lieux vers 10 h 30, alors que les travaux de décapage n’ont pas encore repris. Il revient vers 12 h et aperçoit le travailleur étendu au sol, à côté des équipements de décapage au jet d’abrasif. Il stationne son camion-benne, s’approche du travailleur, lui retire sa cagoule et se rend compte qu’il est inconscient. Le camionneur commence des manœuvres de réanimation et appelle les services d’urgence. Malheureusement, le décès du travailleur est constaté sur place.

Il importe de préciser qu’en avril 2022, un accident similaire s’est produit à Montréal. Un travailleur est décédé d’une intoxication au CO alors qu’il utilisait un équipement de décapage au jet d’abrasif pour retirer la rouille sur des pièces d’acier. Il portait, lui aussi, un APR à adduction d’air alimenté par un compresseur qui tirait sa puissance d’un moteur diesel. Un bris dans le compresseur a contaminé l’APR du travailleur, qui a inhalé du CO.

Qu’aurait-il fallu faire?

La première cause de cet accident est la combustion incomplète de l’huile, qui a été provoquée par un incendie dans le réservoir d’huile du bloc de compression de l’équipement. Cela a généré des concentrations mortelles de CO, qui ont été acheminées jusqu’à l’APR à adduction d’air du travailleur. En effet, lorsque l’huile s’enflamme dans un milieu restreint en oxygène, il se produit une combustion incomplète qui génère plusieurs contaminants, dont du CO.

Selon la norme CSA Z180.1, un interrupteur de sécurité doit être lié à une sonde de température sur le bloc de compression, déclenchant un arrêt automatique lorsque le compresseur atteint une température trop élevée. Or, l’interrupteur du compresseur impliqué dans l’accident n’était pas lié à une sonde. De plus, aucun détecteur de CO avec alarme n’était raccordé au système de production d’air comprimé, contrairement à ce qui est indiqué dans les manuels d’instructions du fabricant et suggéré par la norme CSA Z180.1 pour les compresseurs d’air lubrifiés à l’huile. Le CO étant un gaz asphyxiant chimique sans odeur et insipide, il s’est répandu rapidement dans la zone respiratoire du travailleur sans que celui-ci le remarque.

La deuxième cause de l’accident est que l’employeur a omis de fournir un équipement sécuritaire pour la production d’air comprimé respirable, ce qui a entraîné la contamination de l’air acheminé au travailleur. En effet, le compresseur qui a servi à produire l’air comprimé n’était pas identifiable; son modèle et son année de fabrication étaient inconnus. De fait, un expert mandaté par la CNESST a déterminé plus tard qu’il s’agissait d’un modèle vieux de plus de 50  ans ayant subi plusieurs modifications et réparations qui n’ont pas été consignées dans un registre permettant d’assurer l’intégrité du système. Après avoir subi de telles modifications, le système aurait dû être mis à l’essai et l’air comprimé produit aurait dû être échantillonné, comme le requiert l’article 48 du RSST.

De plus, le compresseur a été inutilisé et entreposé à l’extérieur pendant plus de 5 ans avant sa remise en service, ce qui a pu donner lieu à une corrosion interne prématurée. Cet équipement aurait dû être évalué par le fabricant avant sa remise en service. L’employeur n’a pas fait cette démarche. Les composants sous pression n’étaient pas conformes aux exigences définies par le Règlement sur les installations sous pression ni à la norme CSA B51, notamment à cause de la présence de rouille et de lacunes au niveau de l’entretien. Enfin, le personnel effectuant l’entretien du système de production d’air comprimé n’était pas formé adéquatement pour cette tâche.

Personne-ressource: Pierre Privé, coordonnateur aux enquêtes, Direction générale de la réglementation, du soutien et de l’expertise à la CNESST

Enquête réalisée par : Véronique Dansereau et Jean-Claude Boulay, inspecteurs à la CNESST

Illustration : Jean-Philippe Marcotte

Pour accéder au rapport d’enquête

Bon à savoir!

Pour prévenir le danger d’intoxication lié à l’utilisation d’un appareil de protection respiratoire à adduction d’air alimenté par un compresseur, voici les moyens à mettre en place :

  • utiliser un compresseur prévu pour fournir de l’air respirable;
  • consulter le manuel d’instructions du fabricant et les mises en garde présentes sur les composants de tous les équipements qui seront utilisés;
  • utiliser un détecteur de monoxyde de carbone pour contrôler la qualité de l’air acheminé vers l’appareil de protection respiratoire à adduction d’air;
  • s’assurer que l’air aspiré par le compresseur n’est pas contaminé, notamment par les gaz d’échappement du moteur à combustion interne ou de tout autre appareil à combustion situé à proximité.

De plus, afin d’assurer la qualité de l’air respirable pour les travailleurs, il est important de respecter les programmes d’entretien des appareils utilisés et de procéder aux analyses prévues dans la réglementation.

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