L’arrêt Caron est-il venu créer une obligation légale d’accommodement raisonnable pour les employeurs?

Par Carine Kwizera

28 mars 2023

Avant 2018, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) n’obligeait pas les employeurs à modifier les tâches d’un travailleur ayant subi une lésion professionnelle afin de permettre son retour au travail. Le Tribunal administratif du travail (TAT) estimait que les mesures prévues dans la LATMP au chapitre de la réadaptation constituaient en elles-mêmes des mesures complètes d’accommodement, rendant inefficace le recours aux dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne1.

Le 1er février 2018, la Cour suprême a reconnu que les employeurs devaient adopter des mesures raisonnables en vue d’accommoder les employés victimes de discrimination fondée sur leur handicap jusqu’à la limite de la contrainte excessive2. Dans cette affaire, M. Caron travaille comme éducateur spécialisé lorsqu’il est victime d’une lésion professionnelle. L’employeur avise la CSST (l’ancienne appellation de la CNESST) qu’aucun emploi convenable n’est disponible dans son établissement. La Commission rend une décision à l’effet que le travailleur devra poursuivre le processus de réadaptation professionnelle ailleurs. M. Caron conteste cette décision en alléguant que l’employeur ne s’est pas préalablement déchargé de son obligation d’accommodement, découlant de la Charte. La Commission des lésions professionnelles (CLP, l’ancêtre du Tribunal administratif du travail) rejette l’appel de M. Caron, concluant que les dispositions de la LATMP étaient complètes et qu’aucune autre mesure d’accommodement ne pouvait leur être imposée. La Cour suprême tranche la question : la LATMP doit être interprétée et appliquée au regard de la Charte, et la CNESST ainsi que le TAT, détiennent le pouvoir exclusif d’imposer à l’employeur l’obligation de prendre des mesures d’accommodement raisonnable en vue d’assurer la réintégration du travailleur.

Quatre ans plus tard, on constate un arrimage des enseignements de Caron dans la Loi modernisant le régime de santé et sécurité du travail (LMRSS)3, qui incorpore maintenant la démarche d’accommodement dans le processus de retour au travail. Dorénavant, l’employeur est tenu d’évaluer toutes les mesures susceptibles de permettre au travailleur de réintégrer son emploi. De plus, lorsque la CNESST analyse le processus de réadaptation professionnelle du travailleur, elle doit s’assurer que l’employeur a fourni tous les efforts nécessaires pour satisfaire à son obligation d’accommodement, jusqu’à la limite de la contrainte excessive4. La CNESST doit notamment examiner si ce dernier a participé activement dans le processus, s’il a fait une analyse complète des possibilités de réintégration, mais également s’il a fait preuve de bonne foi, d’ouverture et de souplesse5.

Au surplus, le nouvel article 170 de la LATMP, entré en vigueur le 6 octobre 2022, prévoit désormais que la Commission pourra déterminer si un emploi convenable existe au sein de l’organisation et sanctionner tout employeur qui ne collabore pas à cette démarche. D’ailleurs, ce dernier sera dorénavant présumé pouvoir réintégrer le travailleur, et ce, même après l’expiration du délai, pour exercer son droit au retour au travail6. La Loi prévoit également un retour au travail progressif et des mesures de soutien financier à l’employeur pendant cette période afin de faciliter le retour au travail7.

  1. Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12.
  2. Québec (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) c. Caron, 2018 CSC 3.
  3. Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, LQ 2021, c. 27.
  4. Vallée et Ville de Montréal — Arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, 2018 QCTAT 5440 par 156.
  5. Id., par 16.
  6. Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ c A-3.001, art 170.3. al 2.
  7. Id., art. 167.2.

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