Prévenir la violence conjugale sur les lieux de travail
Par Paul Therrien
13 avril 2022
La violence, sous toutes ses formes, est un risque qui doit être pris en charge, même sur les lieux de travail. C’est pourquoi la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) intègre une nouvelle mesure concernant la prévention de la violence physique ou psychologique, y compris la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. Amélie Perreault, conseillère experte en santé psychologique à la CNESST, nous explique l’essence des changements qui sont déjà en vigueur.
Les modifications apportées au régime de santé et de sécurité du travail clarifient les obligations de l’employeur en matière de violence en précisant que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la travailleuse ou du travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, y compris la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. Auparavant, la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) ne contenait aucune mention en lien avec la violence. « La violence physique et psychologique était considérée comme faisant implicitement partie des obligations de l’employeur. Maintenant, il y a des précisions claires qui concernent, notamment, la violence conjugale. Pour plus de la moitié des victimes qui la subissent dans leur vie privée, cette forme de violence se poursuit sur les lieux de travail », explique Amélie Perreault. Ainsi, il peut y avoir du harcèlement par messages texte, des appels téléphoniques répétés ou des intrusions de la personne violente sur les lieux de travail de la victime. « Les milieux de travail ont un rôle à jouer dans la prévention de la violence conjugale qui se manifeste sur les lieux de travail, de la même façon qu’ils ont un rôle à jouer dans la prévention des autres risques pour la santé et la sécurité », précise l’experte.
Des mesures concrètes
Comme pour tout autre risque, l’employeur doit mettre en place des mesures de prévention. Afin d’être à même d’identifier une victime, il doit notamment informer et sensibiliser les travailleuses et les travailleurs sur la violence conjugale (rôles et responsabilités de chacun, définitions et manifestations, etc.) et identifier une façon de faire, comme identifier un répondant, lorsqu’une victime désire se confier sur une situation de violence, par exemple. L’employeur doit également venir en aide à la victime de violence conjugale. Il peut le faire de plusieurs façons. Par exemple, si la personne violente se présente dans le milieu de travail pour maintenir son emprise sur sa victime, l’employeur peut mettre en place des mesures de sécurité pour contrôler les allées et venues des visiteurs. Il est aussi possible d’élaborer un plan de sécurité individuel pour la victime en apportant, par exemple, des modifications à son horaire de travail, en changeant son numéro de téléphone au bureau, en la dirigeant vers un organisme qui peut lui venir en aide. Par ailleurs, des mesures adaptées à la nouvelle réalité du télétravail doivent également être mises en place. À titre d’exemple, l’employeur pourrait mettre en place un moyen de communication (ex. : un signe) pour permettre à une victime qui est en situation de télétravail de demander de l’aide discrètement lors d’une conversation en mode virtuel. Il pourrait aussi s’assurer que la victime peut travailler sur les lieux de travail, en plus de tenir des rencontres virtuelles de groupe et individuelles afin de vérifier si les travailleuses et travailleurs, dont la victime, vont bien.
Protéger… et respecter
Quelles que soient les mesures mises de l’avant, il est primordial que l’employeur ait une attitude respectueuse, bienveillante et exempte de jugement envers la victime. « Si la personne victime de violence ne veut pas en parler à l’employeur, c’est son droit. L’employeur est là pour la protéger, mais ne peut la forcer à se confier sur sa situation. D’ailleurs, l’employeur doit obtenir le consentement de la victime avant de divulguer des informations de nature confidentielle à un tiers. Toutefois, cela ne l’empêche pas de mettre en place des mesures qui ne nécessitent pas la divulgation d’informations personnelles. Finalement, il est important de préciser que l’employeur doit assurer la protection de la victime sur les lieux de travail, mais ne doit en aucun cas se substituer à un intervenant spécialisé en violence conjugale », indique la conseillère experte en prévention.
Il existe une panoplie de méthodes et de techniques éprouvées visant à identifier, à corriger et à contrôler les risques de violence en milieu de travail. Pour en savoir plus :
- Les pages Violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel et Violence en milieu de travail sur le site Web de la CNESST
- La trousse d’accompagnement pour les entreprises, les syndicats et les membres du personnel, qu’on peut retrouver au violenceconjugaleautravail.com
- Le site Web sosviolenceconjugale.ca ainsi que la ligne téléphonique de l’organisme : 1 800 363-9010